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Travailler avec une violoniste
Le récit d'une leçon
par David Gorman
Traduction : Eillen Sellam
Copyright (c) 1998 David Gorman, droits réservés dans le monde entier
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Une violoniste vient me voir pour la première fois. Elle souhaitait être
soulagée d’une tension douloureuse à l’avant-bras. Elle avait été
contrainte d’arrêter de jouer pendant un temps et elle avait repris depuis
peu en jouant dans des concerts professionnels de musique de chambre avec
4 ou 5 autres musiciens. Son problème réapparaissait et elle était
inquiète craignant qu’il ne s’aggrave et perturbe sa carrière artistique.
Elle avait eu auparavant des cours de la méthode Alexander avec un
enseignant de son quartier et le travail l’avait soulagée pendant la
séance et un peu après, mais plus tard, son problème était revenu. Elle
était venue me voir, car elle avait entendu dire que mon approche était
différente et que je pouvais peut-être l’aider à se débarrasser de son
problème.
Je lui fis remarquer qu’elle avait déjà "un système de croyance" où elle
identifiait le problème au symptôme. Elle voulait se débarrasser de cette
tension. Je lui ai expliqué mon approche où nous n’allions ni faire
quelque chose pour changer son bras (alléger la tension) ni apprendre
« une recette utilisable à chaque fois que la tension apparaissait ». Par
contre, nous allions trouver la cause du problème pour qu’elle puisse la
changer et se libérer de cette tension.
Les moyens que nous allions utiliser pour trouver la cause étaient
d’observer avec attention sa situation afin d’obtenir des informations
pour savoir clairement ce qu’il se passait, ses idées, ses sensations,
etc. et dans quelle chronologie tout ceci se déroulait.
En voyant clairement ce qu’il lui arrivait, nous pouvions peut-être mettre
le doigt sur son problème. Un élément de sa situation, c’était qu’elle
était là pour voir ce qu’elle pouvait faire pour changer. Donc, la
première chose à voir, c’est ce qu’elle faisait, là où elle se trouvait,
ce qui avait comme effet (entre autre) la tension et la douleur de son
bras. C’est seulement après cette étape si elle ne changeait pas tout, que
cela pouvait avoir du sens d’apprendre comment changer son bras, sa
« posture » (pour reprendre ses mots) ou bien, si elle devait utiliser une
meilleure technique de l’archer, etc.
Je commençai alors à lui poser des questions pour avoir plus d’information
sur sa situation. D’abord, je lui demandai à quel moment la tension et la
douleur apparaissaient? Elle répondit que cette tension « allait et
venait », mais qu’elle était quasiment toujours là quand elle jouait du
violon.
Je lui demandai comment elle réagissait à cette situation, en réponse à ce
symptôme. Elle réfléchit un instant, puis me répondit qu’elle était
occupée à jouer, mais qu’elle essayait de relâcher son bras, car elle
sentait qu’elle serrait trop l’archer, puis elle essayait de relâcher son
cou, mais en général, tout cela ne l’aidait pas.
Je lui fis encore remarquer que pour elle ce qui n’allait pas était le
symptôme et qu’à cause de ce concept de la réalité (ou sa croyance), elle
souhaitait faire quelque chose pour changer son état de tension pour se
débarrasser du "problème".
Ensuite, je lui demandai si elle savait pourquoi elle avait ce
symptôme en jouant du violon? Elle répondit qu’elle ne savait pas
vraiment, mais que cela devait être relié à quelque chose qui n’allait pas
dans sa posture ou dans sa façon de tenir l’archer, ou peut être parce
qu’elle était trop tendue.
Je lui demandai si elle savait ce qu’était « ce quelque chose »
qu’elle pensait mal faire. Après un instant, elle avoua qu’elle n’en
savait rien, mais qu’elle avait consulté plusieurs enseignants (de musique
et autres) pour voir s’ils savaient.
Je lui fis remarquer que bien qu’elle ne sache pas vraiment ce qui causait
cette tension, elle supposait quand même qu’elle pouvait la changer, s’en
débarrasser en modifiant son état physique. En plus, cette tactique
n’avait pas vraiment l’air de marcher. Au moins, elle arrivait parfois
(seule ou avec l’aide d’un professeur) à changer son état de tension, mais
cela revenait à chaque fois qu’elle faisait ? Quoi ?? En fait, elle ne le
savait pas vraiment.
Une chose importante dans l’apprentissage, c’est de savoir ce que l’on ne
sait pas, pour savoir ce que l’on a besoin d’apprendre. Si on réalise
vraiment que l’on ne sait pas ce qui est à la cause d’un symptôme, alors
bien-sûr il n’y a plus qu’une possibilité qui est d’essayer "de faire
avec". Si on en vient à penser que le symptôme est le problème, on
ne pensera même pas à en trouver la cause, mais on s’attardera à chercher
une "solution".
Maintenant qu’elle savait qu’elle ne connaissait pas la cause, nous nous
demandâmes comment la trouver. Donc comment s’y prendre? Remarquez qu’elle
avait déjà un endroit naturel où commencer, qui était le moment du
symptôme, de la tension. Ce moment où son merveilleux système lui envoyait
un message bruyant avec des phares rouges et des sirènes « eh, eh,
réveille-toi, quelque chose ne vas pas! Quelque chose est en train de se
passer que tu as besoin de changer ».
A cet instant, dans le processus d’apprentissage, elle n’avait que "ce
moment d’éveil" mais pas l’information pour savoir ce qui pouvait avoir
besoin d’être changé. Donc, je lui demandai si elle avait toujours des
tensions et douleurs à chaque fois qu’elle jouait du violon. Elle répondit
que non, seulement parfois. Par exemple, la semaine dernière, son groupe
avait joué pour un spectacle promotionnel où ils étaient bénévoles. Lors
de ce concert, elle n’avait pas eu de problèmes. En fait, elle joua bien
et éprouva même du plaisir à jouer. Mais deux jours plus tard, ils
jouèrent dans une salle plus grande où des critiques étaient présents.
Elle avait souhaité que cela se passe comme la fois précédente, mais cette
fois ci les symptômes étaient bien là.
Il en découlait ma question suivante: « Si tu as des symptômes seulement
certaines fois, en jouant, quelle est la différence entre les fois où tu
en as et les fois où tu n’en as pas? »
En réfléchissant à nouveau, elle dit: « Bon quand cela m’est égal, (je
m’en fous de ma façon de jouer), je n’ai pas de symptôme, mais dès
l’instant où je suis préoccupée sur ma façon de jouer, le symptôme est
là. »
Je peux parier que cela semble familier à des musiciens qui lisent cet
article!).
Je lui fis remarquer qu’elle avait déjà beaucoup d’informations valables :
elle reconnaissait le symptôme, elle savait quand elle l’avait et quand
elle ne l’avait pas, et elle savait dans quelle type de situation cela se
produisait. Elle n’avait pas pensé à comparer les deux situations pour
faire ressortir la différence. Une question simple de ma part et voilà.
C’est important d’aider les gens à reconnaître qu’ils ont déjà des
informations accessibles à eux dans leur vécu. C’est également important
de leur affirmer que leur merveilleux système qui réunit l’information
fonctionne bien. C’est le concept plaqué sur cette information
qui en cache la signification. Ils en ont eu l’expérience mais sont
passé à côté de la signification de cette expérience.
Donc nous en étions là avec cet indice : où dès l’instant où elle se
souciait de sa façon de jouer, elle commençait à ressentir cette tension.
A ce moment-là, il est important de faire clairement la distinction entre
les choses « qui m’arrivent » et les choses « que je fais ». Ce qui est,
la distinction entre une réponse/réaction et une activité volontaire.
Chez cette violoniste, la tension venait à elle, elle ne se disait pas:
"maintenant, je vais raidir mon bras pour que cela me fasse mal". Elle se
trouvait tendue et ne voulait pas de cette tension. C’était important
qu’elle réalise que le fait de commencer à se soucier venait également à
elle. Elle ne se disait pas « bon, maintenant, je vais commencer à être
soucieuse. Voilà ça y est, j’ai obtenu ce que je voulais. » Elle pouvait
remarquer qu’elle se souciait différemment selon la situation.
A l’inverse, si elle considère que son problème se trouve dans quelque
chose qu’elle fait (le fait d’être soucieuse) et qu’elle souhaite arrêter
d’être ainsi, comment va-t-elle s’y prendre? Peut on décider de ne pas
être soucieux? Si on essaye, est-ce que cela marche vraiment?
Nous en n’étions pas encore là, nous n’avions pas encore trouvé ce qu’elle
faisait, mais on s’y approchait. Je lui demandai si elle faisait quelque
chose de différent lorsqu’elle commençait à être soucieuse. Elle répondit
que lorsque les critiques étaient dans la salle, elle voulait très bien
jouer. Mais elle s’inquiétait avant d’aller sur scène à savoir si elle
allait pouvoir jouer aussi bien. Du coup, elle essayait de jouer vraiment
bien. Par contre, quand elle n’était pas soucieuse, elle ne faisait rien
de "particulier".
Cette fois-ci, nous avions mis le doigt dessus, "elle essayait de vraiment
bien jouer". Dans son système de croyance (et également chez beaucoup
d’autre personnes), cela lui apparaissait normal d’essayer « d’améliorer »
sa façon de jouer lorsque l’enjeu était important. Puisque cela lui
semblait évident, elle agissait de la sorte à chaque fois…
Je lui demandai si dans ce type de situation, où l’enjeu était important
et où elle essayait de mieux jouer, elle y arrivait? Elle répondit: « Non,
pas du tout! C’est pire, je joue mieux lorsque ça m’est égal ». Bien
qu’elle venait de dire ces mots, apparemment, elle n’en avait pas saisi le
sens, sinon elle aurait vu que son vécu, ses expériences qu’elle avait eu
plusieurs fois ne correspondaient pas à son système de croyance. Mais au
tout début de ce processus de libération de ses illusions (si je peux en
parler ainsi), les idées du système de croyance sont plus "réelles" que
les expériences vécues. Et la personne va s’agripper à ses idées, à un
idéal même si son vécu lui prouve constamment le contraire. En s’agrippant
ainsi, ces expériences vont être interprétées de telle sortes qu’elles
correspondent à la croyance. J’en dirai plus à ce sujet plus tard.
Vu que nous avions trouvé quelque chose qu’elle "faisait"—essayer de mieux
jouer—nous pouvions alors faire une expérience. Pouvait elle vivre ce
moment-là sans faire quoique ce soit? Heureusement, je lui avais demandé
d’apporter son violon, et il y a avait un groupe autour d’elle qui pouvait
représenter ce public de critiques. Dans cette expérience, je lui dis de
choisir un morceau qu’elle avait envie de bien jouer. La situation était
suffisamment réelle, car elle était déjà soucieuse de bien jouer et de ce
que les autres allaient penser d’elle.
Je lui dit qu’elle ne pouvait pas louper cette expérience, car le but
n’était pas de bien jouer mais de voir s’il lui était possible de
rencontrer cette situation sans rien faire pour mieux jouer (car
habituellement elle réagissait à sa préoccupation en essayant de mieux
jouer). Cette fois-ci, elle allait jouer "comme cela sortait" et pas
mieux. En d’autres termes, l’expérience était d’aborder la situation de la
même manière que lorsque cela lui est égal, même si elle ressent les
choses différemment (qu’elle a vraiment envie de faire quelque chose pour
mieux jouer).. Ainsi, au pire des cas, la musique ne sortira pas comme
elle le veut.
Elle commença à jouer et je la laissais jouer suffisamment longtemps, une
minute ou deux pour effectuer l’expérience. Ensuite la première question
est toujours, "avez-vous réussi à suivre cette expérience?" Puisqu’il n’y
a aucun intérêt à observer les résultats d’une expérience que l’on n’a pas
réussi à faire.
Elle répondit qu’elle n’y était pas arrivé jusqu’au bout. C’est-à-dire
qu’au début cela allait, mais ensuite lorsque la musique n’était pas ce
qu’elle voulait , elle commença à essayer de mieux jouer et ressenti une
tension dans son bras. C’est bien, je lui dis, que tu puisses voir que dès
que tu commences à essayer, tu as le symptôme. Ce symptôme, c’est ce que
tu ressens quand tu essayes d’être meilleur que ce que tu es. Quelle idée
hein? Essayer d’être meilleur que ce tu es! Réfléchis à cela.
« C’est également bien que tu puisses remarquer exactement quand tu
commences à essayer. » A ce moment-là, je lui demandai de préciser ce
qu’elle faisait quand elle essayait?
Elle réfléchit un peu et répondit que son attention était focalisé sur ses
notes pour qu’elles soient bonnes. D’autres questions révélèrent qu’elle
commençait à focaliser son attention sur les notes juste après que
certaines notes aient été "fausses", ce qu’elle voulait dire par
"focaliser" sur ces notes, c’était de mettre son attention surtout là ou
l’archer touche les cordes, car elle pense que les notes viennent de là.
Nous avions maintenant plus de précisions sur ce qu’elle faisait
exactement. Et surtout, ce qu’elle faisait était maintenant une expérience
tangible. Bien-sûr cela l’était déjà avant, puisque qu’elle l’avait
déjà fait. Seulement, elle n’avait jamais vraiment "réalisé" que c’était
ce qu’elle commençait à faire, même si elle le vivait. C’est sûrement
qu’elle n’avait pas l’idée que c’était une information importante de
savoir ce qu’elle pouvait arrêter de faire. D’après son concept,
ceci était précisément ce qu’elle devait faire pour mieux jouer.
Ainsi, nous reprîmes l’expérience, en choisissant de ne rien faire pour
mieux jouer malgré ce qu’elle pouvait ressentir ou ce qu’elle entendrait
de la musique, en ajoutant cette fois plus de clarté, à savoir que si une
note "sonne faux", ce n’était pas une raison pour se concentrer
afin que les notes soient justes. Au contraire, chaque fausse note pouvait
lui rappeler de voir que ces notes ne sont pas telles qu’elle le
souhaitait et qu’elle continue à jouer sans faire quoique ce soit pour les
"corriger".
Elle joua à nouveau et après un moment, je lui demandai si elle avait pu
faire l’expérience. Elle me répondit qu’elle avait réussi à suivre cette
expérience beaucoup mieux, mais qu’elle avait encore eu des moments où
elle se concentrait pour jouer mieux. Je lui fis remarquer que cela
faisait seulement la deuxième fois qu’elle faisait cette expérience et que
déjà elle arrivait mieux à la suivre. Une fois de plus elle nota que
lorsqu’elle réagissait en essayant, la tension venait. On ne s’intéressait
pas encore aux résultats de l’expérience, car elle était encore en train
d’apprendre comment réaliser cette expérience.
Je lui rappelais à nouveau quelle était l’expérience avant qu’elle la
revive une troisième fois. Cette fois-là, elle dit avoir plus ou moins
réussi à laisser venir la musique telle quelle, sans réagir en essayant
d’y changer quoique ce soit. Ces trois expériences avaient pris environ 15
minutes pour les expliquer et pour les faire.
Alors, c’était le moment de voir les résultats. Je lui demandai comment
elle avait vécu l’expérience? Elle me répondit que c’était facile.
Je lui demandai si elle savait pourquoi c’était facile? Elle me remarqua
perplexe, et me dit en souriant, que c’était parce qu’elle n’avait rien
fait. Je rajoutais, comme les fois ou cela t’est égal.
Elle ajouta qu’elle avait vraiment bien joué. Comme les fois ou cela t’est
égal lui dis-je. Mais c’était important qu’elle saisisse qu’elle n’avait
pas "fait" le "mieux jouer". Cela s’était produit. Elle avait choisit
d’arrêter de faire ce qu’elle faisait habituellement pour que cela aille
mieux. C’est pourquoi cela s’est produit "seul".
Ce qui était intéressant c’est que dans cette dernière expérience, elle
n’était plus soucieuse. Mais cela aussi s’est produit seul. C’était
facile.
Je lui fis remarquer que jusqu’à maintenant, elle ne parlait que des
résultats "musicaux". Comment s’était-elle sentie lors de la dernière
expérience? Et cette histoire de tension alors?
La tension avait complètement disparue! Elle était là quand elle avait
joué la première fois puis s’était atténué lors de la 2ème expérience et
disparue la troisième fois. Elle n’avait d’ailleurs même pas remarqué
l’absence de tension avant que je lui pose la question. Puis, je lui
demandais de jouer à nouveau comme avant en se concentrant pour que les
notes soient justes. Après environ une minute, la tension était à nouveau
là. Quand elle arrêta de vouloir contrôler les notes, et ne faisait "que
jouer", la tension disparu à nouveau.
Elle était très surprise. Elle me dit qu’elle s’était attendue à ce que je
travaille avec son bras pour relâcher la tension, un travail corporel
comme ce qu’elle avait déjà eu. Je lui répondis que ce que nous avions
fait, ce qu’elle venait de vivre, c’était que lorsqu’elle arrêtait de
réagir comme elle le faisait habituellement en essayant de contrôler sa
façon de jouer, alors la tension disparaissait. Dans ce cas, nous pouvons
voir que cette tension est seulement une organisation fonctionnelle
lorsqu’elle est en train "d’essayer". C’est à dire que cette tension fait
partie d’une coordination globale que son système organise pour qu’elle
continue à essayer de contrôler son jeu. Car n’oubliez pas, c’est elle le
chef.
Ou pour le dire différemment, ce qu’elle faisait, c’était "d’essayer de
contrôler", ni plus, ni moins. La tension c’était cette expérience
d’essayer de contrôler. Ni plus, ni moins. Cela n’avait rien à voir
avec son bras si ce n’est que c’est là ou elle sentait en partie cette
entière coordination. Cela a avoir avec son système de croyance où
elle était "forcée" à suivre certaines actions, car dans son idée,
"contrôler" était la seule chose qui ait du sens à faire.
Cependant, maintenant elle se trouve à un niveau différent. Elle a pu voir
consciemment comment elle réagissait à certains événement (une fausse note
quand les critiques sont là) et elle interprète cela d’une certaine façon
(ils l’apprécieront seulement si elle est mieux que ce qu’elle est) et du
coup, elle est obligée de réagir en faisant quelquechose ("en essayant de
contrôler"—comme si cela avait du sens et comme si un être humain pouvait
réellement faire cela).
Elle avait vécu l’expérience de rencontrer ces moments-là en choisissant
consciemment de ne pas réagir ainsi. Elle n’y est pas arrivé du 1er coup,
mais il lui a fallu seulement trois fois et cela a pris 15 minutes.
En plus, en vivant cette expérience, elle a pu voir consciemment que des
choses inattendues étaient arrivées (et d’autres choses ne s’étaient pas
produites) lorsqu’elle choisit différemment. Sa surprise montre bien
qu’elle ne s’attendait pas à de tels résultats. En fait, elle était
convaincue, comme beaucoup, que si on arrête ces techniques de
"contrôles", alors cela va vraiment mal se passer.
Avec ces expériences conscientes et une compréhension de ce qui est
expérimenté, comment son système de croyance peut-il rester intact?
Elle venait de percevoir que le fait de "contrôler" ne rendait pas
son jeu meilleur. Quand elle arrêta "le contrôle", elle joua mieux. Ceci
contredit son système de croyance.
Et elle a pu voir que le fait "de mieux jouer" se produisait tout seul.
Elle n’avait pas du le faire. Ceci contredit son système de croyance.
Et si elle n’a rien fait pour mieux jouer, comment pouvons nous
interpréter cela si ce n’est en voyant que c’est comme cela qu’elle
joue pour de vrai, vu que cela s’est produit quand elle ne faisait
rien de plus. Apparemment, elle ne savait pas qu’elle jouait aussi
bien. Comment pouvait-elle le savoir vu qu’elle avait eu constamment
l’expérience de jouer médiocrement parce qu’elle essayait de jouer mieux?
Ses essais pour "mieux jouer" peuvent être considérés tels qu’ils sont,
des interférences qui appauvrissent son jeu. Cela c’est également
diffèrent de son système de croyance.
La tension était la sensation d’elle qui essayait de contrôler, de réduire
son attention pour essayer de diriger une coordination qui existe déjà.
Elle ne le savait pas avant, mais elle le sait maintenant, car à chaque
fois qu’elle arrête d’essayer, la tension disparaît, et dès qu’elle essaye
à nouveau, la tension revient. Après tout, c’est quoi une tension? Si ce
n’est cette sensation de travailler contre nous-mêmes?
Elle a pu complètement vivre et voir à quel point le processus utilisé
était très différent de ce qu’elle faisait habituellement, avec
un sentiment que cela va contre son habitude, du coup elle n’aurai
sûrement jamais pensé à utiliser cela. Cela nous donne une idée de la
familiarité et de la force de son concept « normal », ce qui correspond
plus ou moins à "la force" et au courage nécessaires pour faire ce choix.
Mais ce n’est pas tout d’avoir vécu des expériences qui vont à l’encontre
d’un concept. Elle a aussi besoin de comprendre leurs significations.
C’est pourquoi j’ai pris le temps avec elle de reprendre ce qu’elle
remarquait et de mettre bout à bout ses expériences avec le système de
croyance qui avait été révélé, pour ne pas isoler les choses et pour que
les contradictions soient présentes aussi grosses qu’un éléphant dans la
pièce!
Je lui fis noter qu’elle ne devait pas accepter ces interprétations
évidentes encore comme des faits. Une fois ne suffit pas.
Mais si en rentrant chez elle, elle continue à faire ces mêmes
expérimentations à chaque fois dans les semaines à venir dès qu’elle est
réveillée par le symptôme, elle verra si une chose similaire se
produit. Lors des premières expérimentations, on ne peut qu’en tirer des
hypothèses provisoires, cela reste à prouver (à vérifier).
C’est du moins provisoire pour l’élève qui vit cela pour la première fois
et pour qui tout cela est complètement nouveau. J’ai vu cela des centaines
de fois avec plusieurs élèves ces dernières années, donc "un principe de
travail" est un mot plus juste pour moi, ou peut-être un nouveau concept.
Remarquez que tout ceci s’est déroulé sans que nous ayons besoin
d’adresser ces concepts de : " la raideur de son bras." Et du coup, nous
n’avons pas eu besoin d’utiliser "des moyens" pour relâcher la tête, ou
pour détendre son bras. En fait, il n’y a pas nécessité d’utiliser le
toucher, vu que nous travaillons uniquement avec la conscience et la
perception que l’élève a déjà et leur capacité actuelle à choisir leurs
actions.
Le professeur n’a pas besoin de "donner" à l’élève une nouvelle
expérience, cela serait aller contre cette approche, car l’élève a déjà
ces propres expériences qu’il vit tout le temps. Il a seulement mal
interprété ces expériences. Il ne se rend pas compte que sa façon
d’aborder les choses va obligatoirement amener les symptômes qu’il
ressent. À cause de ce manque de compréhension, l’élève va forcément
revivre la même chose. Il a un concept ou "une appréciation de la réalité"
qui est fausse, et naturellement, il agit du point de vue de ce concept,
ou système de croyance.
Un mot (ou une centaine de mots) sur nos concepts serai approprié
maintenant.
En tant qu’être humain, nous sommes des créatures qui construisons des
concepts. Cela fait partie de notre nature de prendre l’information à
l’état brut et de l’interpréter. Cela ne se fait pas par un contrôle
conscient. Cette "construction" se passe dans notre système, bien avant
"nous", l’être humain conscient rencontre "la réalité" qui vient à lui et
qui est le résultat de cette construction. En fait, "vous", l’être humain
conscient fait partie du concept, puisque le concept, C’EST votre
conscience. Votre système de croyance existant filtre l’information à
l’état brut pour que certaines sensations aillent dans le même sens que
vous, votre concept et vont avoir de l’importance et vont être
"expérimentées". Ce "vécu" renforce le concept jusqu’au moment où pour la
plupart des gens, le concept devient complètement ancré, fixe et
"certain".
Mais un exemple que nous avons quasiment tous vécu permettra d’éclaircir
certains aspects de cette "création de concepts". Avez-vous déjà été dans
un train à l’arrêt dans la gare avant le départ avec un autre train
également à l’arrêt que vous pouvez voir de votre fenêtre? Ensuite, le
train démarre… Et quelques secondes plus tard, vous réalisez que ce
n’était pas vous qui bougiez, c’était le train d’à côté?
Remarquez l’effet de surprise lorsque vous réalisez que vous ne bougez
pas. Votre merveilleux système de création de concept, a pris le mouvement
visuel extérieur et vous a envoyé "cette réalité", que vous bougiez. Ce
n’était pas une idée, c’était une expérience vécue d’un véritable
mouvement. C’est pour cela que la surprise est telle, c’est presque un
choc physique lorsque la "réalité" change. Nous sommes des créatures
visuellement dominant, souvenez-vous, c’est pour cette raison que le
concept est si fort même s’il n’y a pas les sensations kinesthésiques
habituelles reliées au mouvement. Le "choc physique", c’est le fait de
revenir à l’expérience kinesthésique de "vous-même" qui a été reconnu et
ne marche pas avec ce concept de mouvement.
Vous pouvez comprendre pourquoi c’est cette "première réalité" qui vous
est montrée, si vous vous souvenez que ce système de création de concept
remonte loin en arrière lorsque que nous vivions principalement "dans la
nature" et non pas dans un environnement crée. Dans la nature, lorsque
l’arrière-plan visuel bouge, c’est parce que, nous bougeons en relation à
lui. C’est rare dans la nature que vous restiez debout sans bouger et que
tout bouge autour de vous!.. Ce qui entre en jeu également dans ce
concept, c’est notre anticipation, nous savons que le train va démarrer.
Un autre aspect de "cette illusion", qui vaut la peine de s’y intéresser,
est que ce concept que nous bougeons se prolonge jusqu’à ce qu’une
information sensorielle évidente le contredise, et votre système est forcé
à interpréter à nouveau. Souvent, c’est lorsque nous voyons l’autre train
nous dépasser, que nous voyons que nous sommes toujours à l’arrêt dans la
gare. Ou bien c’est lorsque nous voyons par la fenêtre que la gare ne
bouge pas.
Votre système de création de concept n’est pas là pour vous jouer des
tours, mais pour vous donner la meilleure interprétation possible. Lorsque
l’information ne correspond pas, votre système dit: « Oh, désolé pour
cette interprétation, essayez celle-ci ». Nous n’avons pas besoin
d’analyser ce qu’il se passe pour trouver une meilleure interprétation,
vous recevez simplement la nouvelle réalité améliorée qui arrive
"sans prévenir" dans votre vécu.
Le même processus se produit lors d’un cours. Lorsque nous touchons au
système de croyance de la personne avec ses mots et ses actions et que
nous leur montrons comment leur concept les conduit à faire certaines
actions. Ensuite lorsqu’ils font l’expérience de ne pas suivre la même
route, bien-sûr, des expériences très différentes viennent et contredisent
l’ancienne réalité. Ils n’ont pas besoin "de comprendre"
intellectuellement ce qui se passe, bien que cela aide. Ils ont juste "à
être présent" à cette contradiction. Cette "violation" de la réalité du
concept le montre tel qu’il est, seulement un concept, et en plus il est
faux. Aucune réalité qui se respecte ne peut résister à cette démolition
et à un moment ou à un autre, elle va s’écrouler sous son poids.
Heureusement pour nous, tout comme dans le train, nous n’avons pas besoin
de trouver un concept nouveau et plus juste. Votre système en a
l’expérience de millions d’années et va être content d’en fabriquer un
autre sans délai. Intrinsèquement, il sera plus juste que le
précèdent parce qu’il tient compte des faits nouveaux et des
contradictions.
Après avoir vécu un certain temps avec une réalité fixe et habituelle,
nous allons avoir tendance à nous agripper à la nouvelle réalité comme si
cette fois ci c’était la bonne, la « vraie », la dernière, et nous allons
vouloir la fixer. C’est en ayant vécu plusieurs fois des changements de
réalité que nous réalisons que nous sommes dans un processus continuel, où
nous échangeons nos vielles réalités moins justes et qui fonctionnent
moins bien, pour des nouvelles, plus justes et qui fonctionnent mieux. La
nouvelle réalité est à chaque fois plus juste que la précédente, mais ce
cycle va continuer tant que notre réalité n’est pas complètement en accord
avec la façon dont les choses fonctionnent réellement.
Un autre mot pour cela c’est… L’APPRENTISSAGE.
~~~~~~~~
il y a
une petite biographie de l'auteur ci-dessous.
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Au Sujet
David
Gorman était artiste et intéressé par l’anatomie humaine quand il est
« tombé » sur la Technique Alexander en 1972 et a immédiatement reconnu son
grand pouvoir de changement. Il a suivi sa formation à Londres avec Walter Carrington,
est devenu professeur de la technique en 1980, juste avant la parution de
The Body Moveable,
son texte illustré de 600 pages sur notre merveilleuse structure humaine qui
en est maintenant à sa 6ème édition.
Avec son expérience de la connaissance anatomique il a eu
la chance d’être invité à enseigner dans de très nombreux centres de formation
à la Technique Alexander autour du monde ainsi que des cours de formation pour
Feldenkrais, l’ostéopathie, la chiropractie, le massage, pour des médecins dans
des hôpitaux et des cliniques de rééducation, et dans de nombreuses universités
d’art du spectacle, des orchestres et des conservatoires.
Il a donné la Conférence commémorative de STAT sur FM
Alexander en 1984, intitulée Réflexion sur nos réflexions
sur nous-mêmes, et a été directeur d’un Centre de Formation pour
professeurs de la Technique Alexander à Londres des années
1988 à 1997. Il a été
l’Assistant Editeur de la Revue Alexander, un membre du Conseil de STAT, un
membre fondateur de CanSTAT, NASTAT (AmSTAT) ainsi que le principal architecte
du statut des Sociétés Affiliées, et du processus de certification par parrainage
d’ATI. Il est également l’auteur de Looking
at Ourselves, un ensemble d’articles en anglais sur la Technique Alexander.
Avec le temps, son changement de compréhension à propos des
causes premières des problèmes des gens l’a conduit à continuellement améliorer
son enseignement de la Technique Alexander pour trouver des chemins toujours
plus efficaces pour aider la transformation des personnes et particulièrement
à devenir autonome dans leur apprentissage.
Il est aussi devenu clair qu’un grand nombre des
difficultés des gens ne se résumaient pas uniquement à leur usage physique
mais avaient à voir avec leurs idées, leurs croyances et pensées, aussi
David a développé une nouvelle approche complémentaire, LearningMethods (et Anatomy of Wholeness
à propos de notre système de coordination humain), pour aider les gens à explorer
et à changer dans ces domaines. Ce travail multi-facettes est à présent intégré
dans le programme d’écoles d’art du spectacle en Europe, au Canada, et aux Etats-Unis
grâce au nombre croissant de enseignants de LearningMethods.
David écrit un nouveau livre, dont certaines parties seront
rapidement disponibles en format livre or e-book,
et depuis plusieurs années à présent il dirige
un apprentissage modulaire en LearningMethods, Technique Alexander, et l’Anatomie
de la Globalité « Anatomy of Wholeness », devenant pionnier de nouvelles
voies d’apprentissage et d’enseignement par le biais de vidéo conférences en
ligne.
DAVID GORMAN
Courriel: Téléphone: +1 416-519-5470
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