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pointing out the tools of the LearningMethods work and explaining
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2)
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uncovering more about the underlying causes and seductive traps
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3)
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and revealing the knowledge about ourselves that we gain along this
journey of discovery towards freedom in our lives and harmony with others.
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LearningMethods
Plus nous tournons en rond,
Plus nous restons les mêmesLa nature des habitudes circulaires et comment leur échapper
par David Gorman
Traduction : Michel Borotra, Pierre Chaumont, et Dominique Gaztana
Relecture : Eillen Sellam
D'après une lecture au
Centre for Training, en mai 1993
Read the original article in English
Eine komplette Übersetzung auf Deutsch lesen
Läsa översättning komplettera på Svenska
L'article original en Anglais copyright © 1995 David Gorman, droits réservés dans
le monde entier. Cette traduction en Français copyright © 1997 David Gorman, droits réservés dans le
monde entier
CECI EST A PROPOS DE LA NATURE DE L’HABITUDE — des habitudes non-constructives, en
particulier celles que l’on nomme des cercles vicieux. C’est-à-dire d’une réaction en chaîne
dont chaque étape ajoute quelque chose qui m’oblige à réagir en allant à l’étape suivante, qui à son
tour me force à avancer à l’étape suivante, et ainsi de suite, jusqu’à ce que je sois condamné à répéter
le cycle : ce qui a pour conséquence de le renforcer et de l’ériger en habitude.
Personne ne désire être pris dans des cercles vicieux et évidemment personne ne se
laisse sciemment enfermer dans de telles habitudes destructives. Quoiqu’il en soit, nous constatons
que nous en sommes prisonniers et, à moins de comprendre comment elles fonctionnent, nous ne pouvons
ni sortir du cercle qui renforce nos habitudes existantes, ni être débarrassés de la possibilité d’en
créer de nouvelles. Si vous (ou quelqu’un de votre entourage) êtes pris dans un "problème" habituel
ou chronique sans pouvoir vous en débarrasser en dépit de vos efforts et que, au mieux, vous trouvez
une fois encore de meilleurs moyens pour le gérer, alors, utilisez votre expérience concrète comme référence
pour ce qui va suivre.
La clé pour comprendre comment nous créons et entretenons à notre insu ces sortes
de cycles d’habitudes, est de voir comment, à chaque étape, elles reposent sur une série d’illusions
qui nous captivent et nous dirigent vers l’étape suivante. Ce que nous pensons faire pour résoudre
le problème semble avoir un sens dans le contexte de l’habitude, mais vu d’une perspective plus
vaste, ce n’est, en fait, que notre manière de créer le problème et de le perpétuer. Ces habitudes
sont structurées de manière si subtile qu’elles nous amènent à les répéter et ceci malgré notre désir
de changer. Mieux : l’issue (la façon d’en sortir) est dissimulée dans le dernier recoin où nous penserions
la chercher. Mais il n’y a pas que cela : au fil de notre compréhension de la structure des habitudes
circulaires, nous réalisons à quel point l’habitude d’essayer de résoudre le problème, d’essayer
d’être juste, ou parfait, ou idéal, ou même de devenir différent, nous maintient
puissamment dans la dépendance, à cause de notre tentative d’essayer de tout contrôler.
Voyons comment cela fonctionne, en prenant l’exemple, pour une meilleure compréhension,
du cas très courant de la "tension" désagréable et chronique. La tension est un symptôme qui se révèle
sous un aspect des plus physiologiques (c’est à dire que c’est une sensation physique par opposition
à ce qui est émotionnel et psychique) mais on s’apercevra que ce type d’habitudes circulaires se manifestera
dans tous les aspects et domaines de nos vies. Je commencerai par la nature et les aspects mécaniques
de l’habitude et comment nous nous laissons piéger par eux, puis je vous montrerai l’issue inattendue
et cachée, et je finirai avec quelques unes des implications issues d’un changement fondamental.
1. LA NATURE DE LA BÊTE
J’aborde la vie en faisant ceci ou cela sans trop penser comment j’agis : j’agis,
c’est tout. Puis, à un moment particulier, au milieu de l’action que je suis en train de vivre, je suis
rappelé à l’ordre par un symptôme, une sensation d’inconfort, de douleur, de tension ou quelque chose
de similaire. Ce symptôme apparaît, s’empare de mon attention, et je le ressens naturellement comme
quelque chose de "faux", quelque chose que je n’aime pas, une "mauvaise chose". Il apparaît naturel
de ressentir que le symptôme est le problème, et bien évidemment, de vouloir faire quelque chose
pour s’en débarrasser — pour se rendre la vie plus agréable — et de préférence le plus vite possible
: le but ultime étant évidemment de se débarrasser du symptôme et de retourner à son activité initiale,
moins le problème.
figure 1.
Alors, j’entame un processus pour changer le moment "ça-ne-va-pas-je-me-sens-mal"
par un présent "ça-va-je-me-sens-mieux". Prenons l’exemple où je suis en train de dessiner :
après un certain temps de travail très concentré, mon attention est attirée, dans l’instant présent,
par une sensation de gêne ou de tension dans la région des épaules, si contrariante que je choisis de
faire quelque chose pour me libérer des symptômes. Peut-être vais-je serrer mes épaules, les tirer en
arrière ou en avant espérant ainsi enlever la tension et les relâcher. Je peux aussi masser les points
douloureux ou me faire masser par quelqu’un ou faire autre chose.
Il est important de reconnaître quand il s’agit de l’habitude, qu’il importe peu
de savoir quel est le procédé particulier employé, mais que c’est le malaise engendré par le symptôme
qui me force à fuir le moment présent pour le moment suivant qui, espérons-le, sera meilleur. Quand
je parviens à transformer la mauvaise sensation (tension ou douleur) en une bonne sensation (pas de
tension, pas de douleur), le "ça-ne-vas-pas" en un "ça-va-bien", je peux revenir avec
entrain à ma tâche, sans me soucier de ces problèmes car j’ai l’impression à ce moment là qu’ils ont
disparu.
figure 2.
Tout ceci semblerait parfaitement sensé et dénué de toute importance si ces symptômes
étaient apparus pour la première et la dernière fois. Il n’y aurait même pas matière à y penser plus
longtemps. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas ce qui se passe pour la plupart d’entre nous. Ce qui arrive,
c’est qu’une fois le problème résolu, je retourne à mon activité ; mais bientôt, quelques heures, jours
ou semaines après, les symptômes sont de retour. Je réagis bien sûr à la perception désagréable engendrée
par le symptôme, en faisant ce que j’ai toujours fait avant, faire quelque chose pour m’en débarrasser
: ce qui marche dans la majorité des cas et me ramène à un état satisfaisant. Tout serait parfait dans
le meilleur des mondes, mais invariablement le symptôme revient, de plus en plus aigu et ce que je faisais
pour y remédier jusque là n’est plus aussi efficace qu’avant.
figure 3.
Naturellement, je ne mets jamais en doute la validité de mon approche globale et
j’essaie de trouver une façon plus efficace pour tout "arranger". J’essaie alors telle ou telle méthode
ou tel exercice qui s’avère peu ou pas payant. Tandis que je persiste à "essayer de", les symptômes
persistent à revenir jusqu’à ce qu’ils me deviennent si familiers, que je commence à les considérer
comme "mon problème", ça devient mon problème. Moi et mon problème. Cela recommence.
Ça me fait mal. J’ai une tension. J’ai un problème de dos. Je serais bien si je
n’avais pas ce #%@#!! problème.
En fait, ce qui se passe réellement, c'est que ça me possède. Il y a une séquence
inévitable d'événements qui se sont établis : je me sens mal
je réagis pour
me sentir bien de telle manière que je puisse
revenir à la vie "normale"
jusqu'à ce que je me sente à nouveau mal
et que j'agisse encore
pour me sentir bien
pour retourner à la vie "normale" et ainsi de suite
jusqu'à ce que la séquence elle- même devienne la vie "normale". Progressivement, les symptômes empirent
et sont plus durables et je suis obligé d'utiliser d'autres moyens qui s'avèrent de moins en moins efficaces.
Je suis bel et bien coincé car toute amélioration n'est que temporaire. Cela est, bien sûr, la situation
de la plupart des gens.
Parvenu à ce stade, il m’apparut que cette séquence d’événements n’était pas une
séquence linéaire, mais circulaire. J’éprouve une tension, je fais quelque chose pour m’en débarrasser,
tout s’arrange, puis je suis à nouveau cerné par les symptômes. Je suis pris dans un cercle vicieux
pareil à un noeud coulant qui m’enserre davantage à chaque tentative pour m’en échapper.
Pris au piège, je pourrais juste admettre que j’ai un problème : « j’ai pas
de chance, mon dos est fragile » ou « nous ne sommes pas faits pour ce genre d’activité ». De toute
manière me voilà coincé avec ces symptômes récurrents, condamné à trouver des moyens de plus en plus
sophistiqués pour en sortir.
figure 4.
Au bout d’un certain temps, comme F.M. Alexander le fit avec son problème de voix,
je peux me demander pourquoi mon problème continue à revenir. Si ça allait il y a un instant, mais que
le symptôme est maintenant de retour, c’est sans doute que je fais quelque chose pendant le long temps
de parcours du cercle, entre le moment où "ça-va" et la réapparition du symptôme (le tracé en
dehors du rectangle en pointillé). Ce cercle est la période où je suis revenu à mon état d’être "inconscient"
; quand je ne suis pas réellement conscient de ce que je fais et comment je le fais, simplement je le
fais. Pendant cette période de temps (qui peut aller de plusieurs minutes à des semaines), quelque
chose a dû se passer pour me ramener à ce chaos.
Je poursuis donc ma recherche en examinant si, dans ces "moments inconscients", je
peux trouver quelque chose dans mes actions qui soit la cause de mon problème. Il y a en fait beaucoup
de choses à trouver parce que ces moments "inconscients" recouvrent tout ce qui se passe quand je ne
suis pas occupé à réagir au symptôme.
Il y a mille détails intéressants et fascinants à découvrir. Peut-être
suis-je mal assis ; je suis affaissé et je comprime ma colonne ; j'ai un clavier mal conçu, une mauvaise
chaise ; j'interfère avec ma respiration, etc. J'ai déjà tendance à voir toute attitude comme étant
mauvaise et ayant besoin d'être corrigée, si bien que chaque fois que je trouve quelque chose
que je pense être à la base du problème--par exemple être assis, affaissé au dessus de mon dessin, avec
la tête en avant et le cou tendu — je me mets directement à la recherche c'est toujours la même habitude,
c'est à dire : il y a quelque chose de faux, je dois utiliser un quelconque procédé pour en sortir.
Autrement dit, tout ce que j'ai fait, c'est d'employer les mêmes moyens (means-whereby
note1) ou processus déjà utilisés contre le "mauvais" symptôme initial
et de le plaquer sur les nouveaux "problèmes" pour rendre meilleur le moment à venir.
figure 5.
Le cercle vicieux n’est toujours pas brisé et l’habitude est simplement plus ancrée
et plus complexe qu’elle ne l’était précédemment. Quand j’examine ces moments inconscients, j’y
découvre un nombre illimité de choses servant de prétextes à trouver des moyens "de réajuster et
d’améliorer". Il m’apparaît même que je fais des progrès dans la reconnaissance des facteurs qui
composent mon habitude (parce qu’ils sont parties intégrantes du cercle). Au cours de cette recherche
minutieuse, je découvre évidement d’autres effets secondaires. Toutefois, je suis si impliqué qu’il
me faut un certain temps pour me rendre compte (si un jour je m’en rends compte) qu’en dépit de tous
ces réajustements, j’ai toujours un problème. Ramené à cette réalité, je réalise que je ne fais que
déplacer le problème sur un autre symptôme, et qu’incontestablement, je dois régulièrement y consacrer
du temps. Les mots changent, mais c’est toujours la même rengaine.
Est-ce que cela vous est familier ? Connaissez-vous intimement le petit monstre (la
bête) ? Bien sûr, tout ce qui précède serait magnifique si vous aviez réussi à vous débarrasser du problème
et de ses symptômes entièrement et pour toujours. Si vous avez réussi, vous êtes l'heureux élu, car
après 15 ans d’expérience professionnelle avec des gens pris dans ce type d’habitude; j’ai constaté
que la pluspart d’entre eux n’ont pu s’en libérer malgré les tentatives et méthodes employées. Ils arrivent
peut-être à mieux "faire face" à leurs sympômes et leurs schémas habituels, en ce sens qu'ils ont acquis
de meilleurs outils pour transformer le moment des symptômes en moment de liberté relative, mais ils
sont immanquablement ramenés à des problèmes analogues, requérant de nouveau leur
attention.note2
2. FAIRE LE PAS HORS DU CERCLE
Il y a quelques années, comme la nature des habitudes circulaires me devenait plus
compréhensible, grâce à mon expérience personnelle et à celle de mes élèves, je dus me rendre à l’évidence
que quelque chose manquait. Sûrement il devrait être possible de se débarrasser réellement d’une habitude,
plutôt que d’en améliorer la "gestion". Alexander n’a t-il pas assuré qu’il s’était libéré des symptômes
qui l’avait poursuivi depuis son enfance ? Je me décidai donc à trouver l’insaisissable moyen de sortir
du cercle. Je fus frappé (de cette manière évidente qui paraît si évidente, une fois qu’elle est évidente)
que j’étais piégé par des habitudes circulaires parce que je persistais à tourner en rond dans le cercle.
A chaque moment, je me retrouvais à faire le pas suivant, bien que je ne veuille pas finir là où il
me conduisait. Étrangement, je ne me rendais pas compte que chaque pas m’enchaînait un peu plus au cercle,
alors que je m’efforçais désespérément de faire des pas hors du cercle ! Je pensai : « quelque
part à l’intérieur, il doit y avoir la clef du problème. D’une manière ou d’une autre, je fais le pas
suivant dans l’habitude, bien qu’étant persuadé que je fais un pas hors du cercle ! Comment est-ce
possible ? Comment puis-je me berner à ce point ? »
De ce nouveau point de vue, je revins en arrière et réexaminais chaque pas et évidemment,
voilà, je l’ai trouvé. Ma façon habituelle de voir les choses me l’avait dissimulé.
Retournez au diagramme de la page précédente : il y a un moment dans le cercle où
je suis "naturellement" amené à être conscient du moment présent — le moment du symptôme. En fait,
le symptôme éveille ma conscience, par la sensation de tension et d’inconfort. Et que fais-je
chaque fois ? Je fais exactement ce que j’ai toujours fait avant. J’essaie de quitter ce moment que
je considère comme faux et mauvais, aussi vite que possible, pour le moment à venir où
les choses rentreront dans l’ordre. A chaque fois. Quoique je fasse, cette procédure là est invariable
et je ne la remets jamais en question. Pendant ce moment précieux où je suis assez conscient pour faire
un choix différent, je décide de ne rien changer ! Ainsi, je crois faire un pas vers la "solution".
Mais c’est clair comme de l’eau de roche : ces pas du "problème" à la "solution" sont les mêmes pas
habituels et préconçus que j’ai toujours faits, et font autant partie du cercle que les autres. Car
tout ce que je pense être la "solution", est et a toujours été, une partie inextricable de mon habitude.
C’est à sa charmeuse séduction que je ne puis résister. Ainsi, les sensations déplaisantes me
poussent de l’arrière et le futur meilleur me tire en avant si bien que d’aller de l’un à l’autre
me semble être la seule échappatoire (et en tous cas je ne peux être attiré par aucune autre possibilité).
Tout cela est parfait et échappe à mon entendement !
L’habitude est d’en rire (si je décide de la personnifier un moment) : « Quel demeuré,
il s’est encore fait avoir. En dépit de toutes ses expériences passées, dès qu’il est en présence de
la mauvaise sensation, VLAM !, sans qu’il le sache, il réagit toujours de la même façon et après, il
se demande pourquoi il est piégé dans un cercle répétitif. Ah, ah, ah, c’est à mourir de rire ! ».
Toute l’habitude est tellement installée, que quoique j’ai pu faire avant, le moment
de prise de conscience du symptôme se présente à moi comme étant pas bon; faux. C’est ainsi que je le
ressens. Et je me laisse prendre chaque fois et je réagis comme si c’était véritablement
faux et donc j’essaie de changer quelque chose. Je suis entièrement et profondément convaincu que ces
sensations SONT fausses et que je DOIS m’y opposer, ce qui me fait inévitablement avancer à l’étape
suivante du cycle. En fait, sans réaliser ce que je fais, je veux positivement et désespérément
faire le pas qui me ramènera chaque fois à mon habitude. Je mendie le prochain pas. Je cherche
de meilleurs moyens pour faire le pas ! En fait, ce dont je ne me rends pas compte, c’est que je
suis forcé à faire le prochain pas parce qu’aucune autre alternative n’est imaginable. Ce qui
veut dire que je suis forcé de réagir à mes sensations. C’est précisément la réaction : à
cause de ceci il y a cela. Pas d’autre possibilités — pas de choix.
Remarquez comment l’habitude est intégrée et de combien elle est tout d’une pièce.
Réagir au moment du symptôme et me ruer vers le but idéal de me sentir bien,
met fin à ma présence [conscience du moment présent, NdT] et à ma possibilité
de choix, car automatiquement je me laisse happer par la vie normale : ce qui, bien sûr, signifie
que je retourne dans cet état rétréci dans lequel je suis uniquement conscient de ce que je fais,
et non de comment je le fais. Cette "inconscience" rétrécie fait autant partie intégrante du
cycle que le reste.
Ce n’est pas tout ; quand j’analyse les moments rétrécis "inconscients" en fonction
de ma dépendance du symptôme, je fais avec mes "découvertes" ce que je fais quand je suis naturellement
amené à la conscience par les symptômes : j’essaie immédiatement de tout arranger de la manière préconçue
dont je pense que ça doit être fait (et je dois encore souligner que mon idée de ce qui devrait arriver
n’a aucune espèce d’importance car, c’est en général toujours la même réaction d’arrangement
(de correction) qui fait autant partie de l’habitude que le soi-disant problème). Chaque partie du cycle
valide la suivante, conduit aux autres, ce qui fait que tout marche très bien ensemble comme les différentes
parties d’une machine bien huilée, une chaîne d’assemblage de problèmes.
Parce que j’étais dans un état de conscience rétrécie pendant la majeure partie du
temps du cycle de mes habitudes, je suis incapable de voir comment le schéma global fonctionne dans
son entier. A chaque pas, je ne vois plus loin que le prochain pas. Les conséquences de ce que je fais
sont toujours au-dessous de l’horizon et par conséquent me sont invisibles. Comme Isaac Dineson (Karin
Blixen) écrivait dans Out of Africa : « la terre fut conçue ronde pour que nous ne puissions
voir trop loin sur la route ».
Une fois admis le fait que je m’étais fait rouler en acceptant tout le scénario présenté
par mon habitude, je ne savais plus exactement où aller. Tout ne semblait que "mensonges". Pour paraphraser
Alexander : « si quelqu’un était dans l’ornière, c’était bien moi ». J’étais allé suffisamment loin
pour savoir qu’essayer de rendre les choses "juste" était ce qui entretenait l’habitude et qu’analyser
ces moments "inconscients" équivalait à examiner les mille et un passionnants détails des bords de l’ornière
— fascinant, mais j’étais toujours dans l’ornière. La chose astucieuse serait d’en sortir. Mais comment
? C’est ce que j’ai essayé de faire tout le temps mais qui n’a pas marché.
Mon seul alternative était donc de réexaminer le tout, à la lumière de ce nouvel
acquis : rien n’est comme il semble être. Je persistais à être ramené au moment du symptôme. Après tout,
c’est l’apparition du symptôme qui nous fait d’abord prendre conscience que nous avons un "problème".
C’est seulement à cause du symptôme que nous recherchons la solution du "maintenant - ça - va - à
- nouveau - tout - est - bien". Nous ne la remettons jamais en cause parce que c’est une expérience
sensorielle dans le présent. Pourtant une simple réflexion suffirait à me montrer que je la ressens
de cette manière, à cause de tout ce qui s’est passé pendant les moments qui ont précédé. Et tout ce
qui s’est passé pendant tous ces moments antérieurs, ne sont que la répétition de mon habitude. Et je
suis encore sur le point de faire un nouveau tour de manège. Que va-t-il arriver, d’après moi, si je
fais ce que j’ai toujours fait. Quelque chose de différent cette fois ? C'est incroyable
comment nous pouvons nous illusionner ?note3
Ce fût un choc de réaliser que la réponse était juste à ma portée. La solution pour
sortir du cercle consistait à aborder simplement le moment du symptôme, ressenti habituellement comme
gênant (wrong) et ne pas faire le prochain pas en y réagissant. Accepter que ce qui se passe à ce moment
se passe réellement — que je l’apprécie ou non. Autrement dit, choisir de vivre librement et
pleinement ce moment qu’il me plaise ou non simplement parce qu’il existe. Je vis que ce moment là est
un moment de la réalité tout aussi valable que d’autres. Qu’est ce qui me fait penser qu’un moment particulier
est mauvais et devrait être "arrangé" ?
Et qui suis-je, moi qui me trouve si entièrement dans l’habitude, pour prétendre
savoir quelle est la bonne chose à faire ? Quelle arrogant qui s’ignore ! Moi qui suis si piégé et manipulé
par l’esclavage des sensations que ce si simple choix d’acceptation paraissait impensable un instant
auparavant.
figure 6.
Quand cette révélation saisissante fondit sur moi, au moment de reconnaître cette
acceptation comme une option possible, surgit l’intime conviction qu’il serait inutile de l’essayer,
parce que décider de rester dans ce moment mauvais signifierait rester avec les symptômes (probablement
pour toujours). Pas question ! Mais si je pouvais parvenir au prochain moment où tout est à nouveau
bien, je serais heureux d’y rester pour toujours, mais pas ici dans ce chaos, non merci.
Cela bien sûr, c’était l’habitude, comme un petit diable sur mon épaule, essayant
de me convaincre que mon projet d’acceptation ne pouvait pas marcher — car c’était inacceptable.
Malgré tout, j’étais encore à deux doigts de m’y soumettre quand la puissance de ma prise de conscience
me revint à l’esprit. C’était si inattendu que je savais que c’était vraiment nouveau et que je n’avais
jamais accompli auparavant. Alors, je me lançai.
Ce qui se passa, quand j’inhibai mon très puissant besoin de réagir aux sensations
du symptôme, fût très différent de ce que j’attendais — après un moment d’intense conscience de rétrécissement
et de restriction (pendant laquelle je dus encore choisir de ne pas réagir), une expansion me remplit
et l’effort et la tension disparurent ! J’étais dans un état d’unité et de plénitude avec moi-même,
et présent dans le monde autour de moi de manière très précise et vivante. Je me sentais bien, en fait
mieux que bien, car avec l’expansion vint un plaisir grandissant et quelque chose de très vivant et
de très intense. Et tout cela en ne faisant absolument rien, sauf d’aborder le moment que j’avais toujours
tenu pour inconfortable (wrong) et de refuser de réagir comme je l’avais toujours fait auparavant. Et,
ô merveille, il m’apparut que ce moment, après tout, n’était pas mauvais. C’était magnifique !
figure 7.
Ce qui n’est pas absurde, si vous y réfléchissez. Le moment où j’accepte réellement
ce qui se passe en moi-même, est le moment où je m’y abandonne entièrement. Je ne lutte ni ne fais des
efforts pour obtenir un "meilleur" moment. Il n’y plus de coupure en moi avec une partie qui ressent
l’autre partie comme étant "fausse" et par conséquent pas digne d’être dans le moment (présent). Il
n’y a plus une partie de moi essayant de changer l’autre en ce que je pense qu’il devrait être (comme
si c’était possible). Par conséquent, à cet instant, je ne combats plus contre moi-même. Et comme nous
avons tous tendance à l’oublier, vous ne pouvez jamais gagner un combat contre vous-même — l’un de
vous va perdre et ce sera toujours vous ! Ce sera évidemment vous, parce que c’est vous qui est
à l’origine du combat.
Faire le choix d’être dans le moment présent où je suis, c’est aussi abandonner
la version erronée par laquelle je présumais de ce qui devait arriver, et, au contraire m’ouvrir à quelque
chose de nouveau. Et c’est exactement ce qui arrive — quelque chose de nouveau. Ironiquement, ce qui
se passe quand je n’essaie pas d’atteindre mon magnifique but, est que cela se traduit finalement par
ce que je voulais. Tous les éléments que je recherchais sont là — unité, liberté, ouverture, présence
alerte, pas d’efforts ni de tension — et rien de tout cela ne ressemble à ce que j’avais imaginé ou
expérimenté avant ; et bien sûr, je suis arrivé à cet "endroit" nouveau par un chemin bien différent
ou plus justement par aucun chemin.
figure 8.
Une expérience, bien sûr, ne prouve rien, mais après des résultats toujours équivalents,
chaque fois, dans des situations variées, je commençai à y croire : je réussissais à prendre conscience
des forces en jeu au moment des symptômes ou des sensations, sans réagir en essayant de corriger les
chose, mais au contraire en choisissant librement et de mon plein gré de vivre le moment présent, quel
qu’il fût. Aujourd’hui, plusieurs années se sont écoulées. J’ai aidé plusieurs centaines de personnes
à faire le choix et leurs expériences sont toujours similaires — au moment où elles abandonnent réellement
la réaction et l’obsession d’un but à atteindre (end-gaining), un merveilleux et paisible soulagement
les envahit et elles s’ouvrent entièrement, respirent, se permettent de se laisser porter par le monde,
sont présentes et disponibles à l’action et tout cela instantanément.
D’après ma propre expérience et le travail avec mes élèves, le plus grand défi pour
tout le monde est d’aborder ce moment de sensation et de ne pas réagir en essayant de changer les choses.
En fait, c’est le plus grand changement à faire — aucun changement — étant donné que nous avions toujours
abordé ce moment en essayant de changer les choses. Bien que cela semble un choix simple à faire, si
vous ne l’avez pas fait, vous ne pouvez imaginer combien c’est un défi énorme à mener à bien, face à
la "réalité" des sensations immédiates et irrésistibles, des pensées et des émotions de ce moment existentiel.
Il faut être courageux et clairvoyant pour garder son libre arbitre quand toute votre expérience vous
hurle « VOUS AVEZ TOUT FAUX ! SORTEZ DE LÀ LE PLUS VITE POSSIBLE ! ». Le fait que de tels changements
globaux voient le jour dès que nous réussissons à inhiber l’acte de réagir, prouve à quel point c’est
un changement que d’accepter de son plein gré ce que nous ressentons comme faux et de vivre librement
ce qui est donné "ici et maintenant".
3. CE QUI EST NOUVEAU N'EST PAS CE QUI EST VIEUX
Ces expériences m’ont montré en fait qu’il est possible de sortir du cercle. Mais
y parvenir ne signifie pas trouver une meilleure chose à faire ; cela ne signifie pas
changer les symptômes ; cela ne signifie pas se fixer (end-gaining) sur "la" bonne solution ;
et cela ne signifie pas qu’il y a quelque chose de mauvais. Tout est simplement comme ça doit
être parce que c’est tel que c’est. Sortir de l’habitude signifie accepter le moment tel qu’il est (c’est
à dire avoir foi dans la réalité entière, sans qu’on ait besoin de l’améliorer) ; cela signifie abandonner
aussi mes idées fixes sur ce qui devrait arriver (c’est à dire découvrir ce qui se passe réellement
dans le présent) ; et cela signifie me permettre d’expérimenter les sensations que j’ai vraiment, au
lieu d’essayer d’obtenir celles que je veux avoir (c’est à dire faire l’expérience concrètement dans
le présent que si je ne réagis pas, il n’y a rien de mauvais en moi) !
Que recouvraient donc les symptômes et pourquoi ont-ils été ressentis comme si négatifs
? Ma sensation négative (sentiment, opinion) était-elle juste mon habituelle perception du moment, ou
était-ce quelque chose de véritablement non constructif mais que j’avais mal interprété. Cela semblait
être la prochaine question de taille à résoudre — simplement parce qu’elle est là et ne s’évanouira
pas — une situation qui, je commençais à en prendre conscience, signifiait que quelque chose d’important
était en train de se passer.
Je commençai à reconnaître combien j’apprenais, en étant capable de voir avec des
yeux neufs les faits simples et immédiats, plutôt que les actes à accomplir pour modifier
la situation. Alors, je revins en arrière sur mon expérience pour réexaminer les faits.
Regardez à nouveau le diagramme de l'habitude circulaire.
Dans ce cycle, je passe la plus grande partie de mon temps dans un état de conscience
rétrécie, si bien que je ne suis pas conscient du "comment" je fais ce que je fais, tout simplement
je le fais jusqu’à ce que je me rende compte que je me sens très tendu et raide, ce qui correspond bien
sûr physiologiquement à un état musculaire de contraction et de rétrécissement. Si effectivement je
suis en unité complète, comment séparer alors la contraction psychique due à mon attention, de ma contraction
musculaire ? Je fonctionne comme un système global entièrement intégré et aux possibilités
rigoureusement rétrécies.note4 Si, chaque fois que je reprends
conscience de ces importantes périodes que sont les moments où je suis rétréci, je découvre que je suis
noué et tendu, comment pourrais-je interpréter cela différemment ? Je suis rétréci, je me rétrécie de
plus en plus. Ce que je ressens, ce ne sont pas des muscles contractés, ni le fait d’être mal assis,
non plus qu’un million d’autres petits détails. Tous ces détails sont réels, mais ce ne sont pas des
causes, ce sont des effets. Ce que je ressens, c’est ce que l’on ressent après avoir été si longtemps
rétréci.
Réciproquement, l’expérience montre aussi que lorsque je me permets d’exister, à
tout moment tel qu’il est, sans réaction — autrement dit de m’ouvrir plus pleinement à l’expérience
et aux événement du présent, que je les apprécie ou non — ces tensions et ces contractions disparaissent
et je deviens libre et entier. Que puis-je penser de cela sinon qu’au fur et à mesure que je m’ouvre,
je m’ouvre — de toutes les manières ? Plus encore, je deviens plus ouvert et plus profondément immergé
dans cette nouvelle et alerte conscience du monde environnant plus que je ne l’étais lorsque je choisissais
d’accepter les symptômes de rétrécissement.
Une multitude d’implications me vinrent à l’esprit. Si la seule chose que j’avais
changée était de NE PAS me permettre de réagir comme si les sensations perçues étaient non fiables
et qu’en conséquence les symptômes disparaissaient, comment interpréter cela autrement que j’étais
OK et que je l’avais toujours été — simplement, je l’ignorais. J’avais eu l’illusion que quelque chose
n’allait pas dans le présent et devait être changé pour être OK dans l’avenir ! Il est
important de reconnaître que cette illusion n’est pas la sensation perçue de "ça-va-de-travers". Il
y a vraiment quelque chose de "non constructif" en jeu, mais ce ne sont pas les sensations de tension
et de douleur, c’est mon état d’étroitesse et d’obsession du but (end-gaining). En soi, il n’y
a rien de mauvais dans les sensations. Ce sont des sensations très réelles et très valables qui me donnent
une information importante, c’est à dire qu’il est très douloureux et gênant de se rétrécir si longtemps
en dessinant
Que j’accède à l’unité quand j’arrête de réagir, me montre que je suis déjà intrinsèquement
entier et intégré, étant donné que c’est ce que je suis quand je suis simplement moi, dans le présent
— je suis et j’ai toujours été une "unité psychophysique". Quand j’arrête de me diviser en décrétant
mauvaise une partie de moi-même et en essayant de la changer, je m’unifie. Je n’ai pas
un esprit. Je n’ai pas un corps. Je suis moi — la somme totale de ma mémoire et de mes expériences
moment après moment — un tout indivisible. Je vivais trop dans l’illusion pour le reconnaître et par
conséquent j’étais toujours précisément impliqué dans cette type de réaction habituelle qui renforçait
la sensation de me sentir comme si j’étais composé de plusieurs parties qui nécessitent que je
les coordonne pour aboutir à l’unité dans le futur.
L’expérience du lâcher-prise et de l’aisance c’est simplement reconnaître qu’il m’est
facile d’être moi-même, comme je suis dans le moment présent ; ce que je suis réellement quand je ne
m’efforce pas d’être ce que je ne suis pas. Qu’est-ce qu’une tension s’exerçant sinon un conflit, une
tentative perpétuelle qui ne peut atteindre son but. Non seulement, cela me demande beaucoup d’effort
et d’énergie de me projeter dans le moment à venir, mais en plus c’est tout à fait impossible (bien
que généralement, ça ne m’ait pas empêché d’essayer). Combien d’entre nous ignorent ou refusent d’accepter
que nous ne pouvons pas être différent de ce que nous sommes, et il n’y a pas de tentatives plus
frustrantes que d’essayer d’être. Je me sens libre parce que je me suis libéré de l’esclavage
de devoir réagir à mes sensations et à la tyrannie de mon idée sur qui je devrais être.
Dans la même veine, l’expansion et l’ouverture qui accompagnent mon choix de m’autoriser
à être dans ces moments, me montre à quel point j’étais rétréci avant, par la concentration sur ces
mêmes moments et combien j’étais fermé à tout autre événement. Le sentiment profond de vie et de présence
à moi-même et à l’espace autour est l’expérience (au-delà de la théorie) que je ne suis en aucun
cas séparé de moi-même, ni de l’univers autour de moi !
Cela m’amène à expliciter à un autre point implicite dans ce qui précède. L’habitude
circulaire est si envahissante qu’elle s’infiltre dans nos plus profonds "préceptes" métaphysiques et
spirituels (et qu’est-ce un précepte sinon une "préconception"). Nous aimons l’idée que nous pouvons
échapper de cette prison du soi éclaté et conflictuel, et être entier, intégré et partie du plus vaste
univers, mais nous projetons ce but dans le futur : « je n’y suis pas encore, je suis toujours dans
la confusion, mais je veux y arriver et, en explorant et en apprenant, peut-être serai-je un jour libre
et là où je veux être ». À une échelle plus grande, nous avons tendance à considérer nos vies et nos
cultures humaines comme prisonnières de schémas de conduite destructifs et d’interactions morales et
éthiques, tout à fait indésirables. Nous aspirons à un état meilleur ou à un plan plus parfait et nous
consacrons toutes nos énergies à les réaliser. Voyez-vous les parallèles ? Toutes ces voies parallèles
« essayons d’être meilleur au prochain moment/dans la vie/dans la prochaine vie » vont
dans la même direction et le train express de nos vies a des roues sur chacune d’elles simultanément.
Autrement dit, notre mode fondamental d’opérer, avec cette habitude, est l’obsession du but (end-gaining)
et même la pensée, l’émotion, la sensation, et le rapport au monde environnant seront interprétés et
incorporés dans le schéma habituel de réaction.
Cela nous arrange d’oublier que, tous autant que nous sommes, nous savons
tout à fait que seul compte le moment présent. Tous les moments passés sont loin et aucun changement
ne peut être apporté à ce que est arrivé (que ça nous plaise ou non). Tout moment futur est à venir
et sera ce qu’il sera parce que les événements et les forces en jeu sont hors de ma portée et de mon
contrôle. La seule prise que j’ai sur mon futur dépend uniquement de ce que je fais à chaque moment
présent. Mais notre sophistication et notre crainte nous font oublier aussi que dans le sens le plus
pratique et le plus réel, le futur n’existe pas. Chacun de ces "présents" est ce qu’il est à cause de
tous les événements et des forces simultanés (comprenant mes propres choix, mes perceptions et mes actions),
à cet instant et aux instants précédents. Comme nous ne pouvons influencer les moments passés, la seule
chose qu’il nous reste est à faire, c’est un choix différent dans le présent.
Par conséquent, être en mesure de faire un choix différent à chaque moment présent
(en fait, n’importe quel choix) implique d’être suffisamment conscient pour se souvenir de le faire.
Quoiqu’il en soit, dès que vous avez réalisé que dans la majorité de vos moments
présents, vous n’êtes pas réellement "présent" — c’est à dire qu’il n’y a pas de "vous" suffisamment
conscient pour faire un choix quelconque (vous êtes pareil à un bébé immergé dans la matrice, dans le
contenu de ce que vous faites) ; et dès que vous comprenez que vous êtes amené à la conscience par un
symptôme (qui est en fait un messager vous révélant que la manière dont vous vous comportez est non-constructive
et que votre expérience présente est ce qu’on ressent après avoir agi de la sorte) vous avez tendance
à réagir contre le messager qui vous réveille, plutôt que de le comprendre ; et une fois que vous admettez
réellement que votre manière de réagir vise à tuer le messager dès qu’il intervient, de sorte que vous
puissiez encore retomber dans le rétrécissement et "l’inconscience" des détails de votre vie, une fois
que vous prenez conscience de la totalité de ce schéma et de son implacable mécanique, se répétant cycliquement
dans votre vie, vous verrez que le premier pas à faire est de maîtriser ce qui vous permettra d’être
plus conscient dans ces moments présents, pour qu’il vous soit possible de faire un choix. Sans
cela, nous sommes et serons plus que jamais liés et piégés, balancés d’une manifestation de l’habitude
à une autre, sans devenir jamais plus sage.
Donc, qu’est-ce qui nous permet d’être plus conscient ? Fouillons un peu du côté
aveugle du fonctionnement de la conscience, du côté de nos façons habituelles d’opérer avec une conscience
limitée et étroite.
J’ai habituellement l’impression que je ne peux accomplir ce travail sans me "concentrer",
qui, pour la plupart d’entre nous signifie, que nous rétrécissons notre attention pour éliminer les
"distractions". Les distractions sont, bien sûr, d’autres parties de ce moment en cours. Je ne me rends
pas compte qu’être distrait par ce qui se passe autour de moi, est le produit de mon habitude. Mais,
il n’est pas difficile de s’apercevoir que je collabore avec elle en éliminant les aspects
"extérieurs" de ma conscience. En fait, je suis l'habitude.
note5 Quotidiennement, je pratique et améliore ma capacité à maintenir une forme de conscience
rétrécie, et comme aime à dire Barbara Conable : « la pratique ne rend pas parfait, la pratique rend
permanent ».
A cause de cette inconscience relative, quand les symptômes habituels apparaissent
de façon cyclique, j’ai tendance à réagir comme s’il n’y avait pas eu de moment précédent celui-ci,
mais seulement des moments à venir pendant lesquels je peux intervenir sur ces symptômes. L’aspect négatif
de la sensation me domine à un tel point que je ne suis conscient de presque rien à part le symptôme
et ce que je peux faire pour m’en débarrasser Ces sensations forment un autre niveau de distraction,
surtout lorsqu’elles deviennent chroniques. Je fais tout pour l’ignorer, en rétrécissant encore davantage
ma conscience.
La même chose se vérifie dans la dernière partie du cercle — ce "but" que j’essaie
d’atteindre pour que tout rentre dans l’ordre. Tandis que je fuis le symptôme, je suis heureux de diriger
toute mon attention vers le moment futur projeté. Comme conséquence de cette lutte et de cette tentative
pour atteindre la bonne solution préconçue (qui n’a jamais vraiment marché avant), je suis fermé à tout,
sauf à ce moment présent — à toutes les autres opportunités inconnues, aux possibilités propres à mon
système qui cherchent à s’exprimer. Autrement dit, chaque partie du cercle entretient l’étroitesse et
favorise le déjà connu. C’est pourquoi je finis par être si "inconscient". Plus exactement, je suis
limité dans le déploiement de ma conscience, ce qui revient à dire limité dans le déploiement de mon
être. C’est ce que je ressens en tant que symptôme — mon étroitesse limitée d’être.
Remarquez tout l’effort nécessaire pour être si étroit et si inconscient. Chaque
pas demande un investissement massif et constant d’énergie. Je m’efforce de me concentrer sur mon
travail. Une quantité impressionnante de travail musculaire, qu’on nomme tension, est fournie
durant la période où je suis si rétréci. Je dissipe une immense quantité d’énergie physique et émotionnelle
à essayer de fuir la sensation de mon étroitesse et je me contrains vigoureusement pour atteindre
mon idéal et impossible but qui est d’être autrement que je ne suis. J’ai l’illusion que toute cette
dépense d’énergie me mènera quelque part, sans me rendre compte que toute cette énergie sert uniquement
à me maintenir hors du présent, à me maintenir contracté et à me maintenir étroitement lié à la spirale
contraignante de l’habitude. Jour après jour, j’en ressens la difficulté, la contrainte, le travail
et le coût, inconscient que moi-même je fournis l’énergie nécessaire au fonctionnement des schèmes habituelles.
Je fournis cette énergie quelquefois volontairement et quelquefois sans le savoir. Une chose est sûre,
personne ne le fait pour moi et personne ne me le fait à moi.
Revenant à la question de ce qui nous permet d’être plus conscient, nous pouvons
voir que le problème n’est pas celui de l’expansion de la conscience, mais celui de savoir comment il
est possible d’arrêter de la restreindre et de la rétrécir constamment. Nous sommes des créatures possédant
en elles-mêmes une conscience grande ouverte et infiniment interconnectée. C’est pourquoi notre conscience
et notre présence s’engouffrent en un éclair dans cette ouverture innée dès que nous cessons d’interférer
par l’obsession du but (end-gaining). Dans ce cercle, quel est le seul moment où nous sommes naturellement
amené à la conscience ? C’est précisément le moment des symptômes celui que nous nous complaisons à
haïr. C’est le moment où notre merveilleux système riche-de-plus-d’un-million-d’années-d’évolution
nous envoie un message pour nous réveiller de notre étroitesse. Il n’y a aucune possibilité de changer
quoi que ce soit ou de faire des choix quand nous sommes "l’inconscience" du rétrécissement. Ce n’est
pas la peine d’y penser. La tâche n’est pas d’essayer d’amener la conscience dans les domaines
où nous sommes "inconscients", mais d’utiliser de manière constructive le moment où nous avons
déjà la conscience, et il est heureux pour nous que, fréquemment, notre système nous réveille quand
nous fonctionnons de manière non-constructive. Si nous sommes capables d’appréhender entièrement le
potentiel et la réalité de ces moments et faisons le choix différent de nous permettre de vivre pleinement
ces moments sans réaction et jugement, nous nous sentirons plus ouverts, plus conscients et plus présents,
et par conséquent plus aptes encore à faire ces choix différents. Avec le temps et plus d’entraînement,
cela deviendra notre façon d’être — autrement dit un cercle constructif qui se renforce par lui-même.
Quand je peux faire le plus simple des choix, je n’ai vraiment besoin d’aucun autre
choix. Comme je vis de plus en plus constamment dans le présent, il y a de moins en moins de "problèmes"
qui nécessitent des choix. Presque tout ce qui a besoin de se passer à l’instant se passe déjà comme
une réponse naturelle quand je ne suis pas occupé à réagir. Ces réponses ne sont
pas prédéterminées ou préconçues par moi, ou mon habitude ou ma culture. À mesure que je me permets
de m’ouvrir, j’entre en interaction directe avec les événements, les situations et les gens autour de
moi. Je ne travaille plus contre l’univers, je suis une partie inséparable de tout ce qui existe. Il
n’y a plus à aller chercher nulle part.
Je suis chez moi.
~~~~~~~
il y a une petite biographie de l'auteur ci-dessous.
Lisez cet article en anglais, lisez les autres articles
par David Gorman et les autres
Au sujet de l'auteur
David
Gorman était artiste et intéressé par l’anatomie humaine quand il est
« tombé » sur la Technique Alexander en 1972 et a immédiatement reconnu son
grand pouvoir de changement. Il a suivi sa formation à Londres avec Walter Carrington,
est devenu professeur de la technique en 1980, juste avant la parution de
The Body Moveable,
son texte illustré de 600 pages sur notre merveilleuse structure humaine qui
en est maintenant à sa 6ème édition.
Avec son expérience de la connaissance anatomique il a eu
la chance d’être invité à enseigner dans de très nombreux centres de formation
à la Technique Alexander autour du monde ainsi que des cours de formation pour
Feldenkrais, l’ostéopathie, la chiropractie, le massage, pour des médecins dans
des hôpitaux et des cliniques de rééducation, et dans de nombreuses universités
d’art du spectacle, des orchestres et des conservatoires.
Il a donné la Conférence commémorative de STAT sur FM
Alexander en 1984, intitulée Réflexion sur nos réflexions
sur nous-mêmes, et a été directeur d’un Centre de Formation pour
professeurs de la Technique Alexander à Londres des années
1988 à 1997. Il a été
l’Assistant Editeur de la Revue Alexander, un membre du Conseil de STAT, un
membre fondateur de CanSTAT, NASTAT (AmSTAT) ainsi que le principal architecte
du statut des Sociétés Affiliées, et du processus de certification par parrainage
d’ATI. Il est également l’auteur de Looking
at Ourselves, un ensemble d’articles en anglais sur la Technique Alexander.
Avec le temps, son changement de compréhension à propos des
causes premières des problèmes des gens l’a conduit à continuellement améliorer
son enseignement de la Technique Alexander pour trouver des chemins toujours
plus efficaces pour aider la transformation des personnes et particulièrement
à devenir autonome dans leur apprentissage.
Il est aussi devenu clair qu’un grand nombre des
difficultés des gens ne se résumaient pas uniquement à leur usage physique
mais avaient à voir avec leurs idées, leurs croyances et pensées, aussi
David a développé une nouvelle approche complémentaire, LearningMethods (et Anatomy of Wholeness
à propos de notre système de coordination humain), pour aider les gens à explorer
et à changer dans ces domaines. Ce travail multi-facettes est à présent intégré
dans le programme d’écoles d’art du spectacle en Europe, au Canada, et aux Etats-Unis
grâce au nombre croissant de enseignants de LearningMethods.
David écrit un nouveau livre, dont certaines parties seront
rapidement disponibles en format livre or e-book,
et depuis plusieurs années à présent il dirige
un apprentissage modulaire en LearningMethods, Technique Alexander, et l’Anatomie
de la Globalité « Anatomy of Wholeness », devenant pionnier de nouvelles
voies d’apprentissage et d’enseignement par le biais de vidéo conférences en
ligne.
DAVID GORMAN
Courriel: Téléphone: +1 416-519-5470
78 Tilden Crescent, Etobicoke, Ontario M9P 1V7 Canada (carte)
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