La Bibliothèque LearningMethods
Perdre du poids
par Eillen Sellam
Remerciements à David Gorman pour sa participation à la rédaction
de cet article et à l'écriture du passage de ma séance avec lui.
Copyright (c) 2001 Eillen Sellam, droits réservés dans le monde entier
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J’ai souhaité partager mon expérience en racontant étape par étape ce que
j’ai vécu pour perdre du poids. Ceux qui me connaissent seront sûrement
surpris de lire que je voulais perdre du poids car je suis plutôt mince.
Cependant, je souhaitais perdre 2 à 3 kilos pour ensuite maintenir un
poids constant, mais je n’ y étais encore jamais arrivée. Je savais que
dans certaines circonstances, je mangeais trop par rapport à ce dont
j’avais besoin et qu’ensuite je me sentais mal à l’aise. Dans ces
moments-là, je faisais quelque chose qui ne me plaisait pas. C’était cela
qui m’interpellait : comment se faisait-il que je n’arrivais pas à suivre
ce qui était le mieux pour moi, c’est-à-dire manger moins ?
Étant donné que j’enseigne une démarche (LearningMethods) pour
aider les autres à mieux comprendre ce qui leur arrive et pourquoi ils
sont piégés dans des mécanismes non constructifs, je décidai d’examiner
par moi-même cette dépendance. J’étais curieuse de voir ce qu’il allait
ressortir de cette exploration ! Et comme j’ai eu l’occasion de constater,
à travers mon expérience professionnelle, que les mêmes mécanismes sont en
jeu pour ceux qui souhaitent perdre du poids, en quelque quantité que ce
soit, ces personnes pourront donc suivre le même processus que le mien.
Comment tout a commencé !
Cet hiver, j’ai eu l’occasion de prendre mes repas seule car mon compagnon
était en voyage. Naturellement, sans chercher à moins manger, mes repas
furent moins copieux et pourtant, je n’avais pas particulièrement faim :
je me sentais même mieux. Lorsque mon ami rentra, je me remis à manger
plus à table avec lui, et cela spontanément, sans doute poussée par la
convivialité et les liens sociaux que contribuent à créer les repas. Et je
constatais que je mangeai encore beaucoup plus lorsque je dînais avec
plusieurs amis : je ne crois pas exagérer en disant qu’en ces occasions,
je mangeais quasiment deux fois que lorsque j’étais seule ! Or, j’ai très
souvent l’occasion d’avoir du monde à dîner, d’héberger des amis chez moi.
Avec le temps, le fait de trop manger lors des ces grandes tablées
deviendrait un problème. Je ne voulais donc pas attendre d’en arriver là
et je pris la décision de ne pas me rendre prisonnière de ce mécanisme
lorsque le temps des invitations estivales reviendrait.
Je commençais donc par la première étape de l’approche LearningMethods :
l’exploration.
L’exploration
Dans mon cas, il s’agissait d’une exploration pour réunir tous les
éléments concernant ma façon de vivre, mes idées et mes habitudes
alimentaires. Je savais qu’il y avait quelque chose qui m’ échappait dans
ce que je vivais, car malgré mon souhait de vouloir perdre du poids, je
continuais à trop manger, et je ne savais pas exactement pourquoi.
Explorer, c’est mettre le doigt sur ces moments « troubles (ou sombres) »
où l’on fait quelque chose sans complètement réaliser ce que l’on est en
train de faire. Cette exploration a été un moyen d’accéder à une meilleure
compréhension pour saisir non seulement pourquoi je mangeais trop mais
aussi comment cela avait pu m’échapper.
Explorer revient à se poser la question : « l’information nécessaire pour
que je comprenne ce problème est-elle déjà en moi ? ». Il y a deux façons
d’accéder à cette information :
La première c’est d’utiliser le souvenir que nous avons de ces moments
passés où il y a eu un problème. C’est assez facile car ces moments-là
s’impriment dans notre mémoire, surtout s’ils sont proches dans le temps.
La deuxième manière est d’être présent (de s’éveiller) au moment où l’on
vit à nouveau le problème, car tous les éléments seront là en face de
nous.
Cette étape enclenche un processus : une porte s’ouvre et on y découvre
des « trésors ». C’est également assez étonnant pour les gens que j’ai pu
aider, car ils n ’ont pas l’habitude de prendre le temps de voir ce qui
leur arrivait. En général, ils essaient de changer mais le plus vite
possible sans savoir précisément ni quoi changer ni comment. Or, lors de
l’exploration il est important de rechercher le moment où se manifeste le
problème sans chercher à l’interpréter. Cela n’apporte rien car
l’interprétation à posteriori déforme la réalité du moment vécu.
Développer cette capacité à explorer, c’est comme devenir son propre
détective privé ! C’est un apprentissage en soi, de soi.
Donc mon exploration consistait à prendre le temps de penser à mon
attitude vis à vis de la nourriture et à observer ce qui se passait au
moment des repas. J’ai saisi toutes les occasions où je sentais que je
mangeais trop pour vraiment regarder ce qui m’arrivait afin de mettre le
doigt sur tous les pièges dont je n’avais pas encore conscience. Parfois,
le signal d’alarme, la sensation de trop manger, m’éveillait, me
permettait de réagir au moment même où je mangeais mais parfois je ne m’en
rendais compte qu’après le repas. Le processus d’observation était en
route. Enfin, à d’autres moments, j’utilisais la sensation d’avoir trop
mangé comme signal d’alarme pour observer ce qui se passait. Toute cette
phase d’exploration a été efficace et m’a permis de voir réellement mon
attitude et mes habitudes.
Il est évident que cette nécessaire exploration reste par définition très
personnelle. Si certains d’entre vous lisent cet article en souhaitant
être aidé, vous avez alors aussi besoin d’effectuer votre propre
exploration.
Un des premiers éléments que j’ai pu noter est que je n’avais pas la même
difficulté lorsque j’étais invitée chez les autres. Lorsque je mangeais
trop, c’était chez moi quand nous avions des amis. Derrière cette histoire
de poids se cachait donc ma relation aux invités. Grâce à ce premier
indice, je décidai de me pencher sur ce qui se passait en moi quand des
gens étaient présents : quelles étaient mes pensées, mes gestes ?
Je m’étais rendue compte que lorsque des amis, des élèves (lors d’un
stage), ou ma famille étaient à la maison, j’étais préoccupée par ce que
nous allions manger. Pas exactement sur ce que « nous » allions dîner mais
sur ce que « j’ » allais donner à dîner aux autres : je ne m’incluais pas
dans ce « nous », seul comptait l’envie supposée des autres. Il s’en
suivait une légère inquiétude à propos des quantités suffisantes pour les
satisfaire ? Allais-je être une bonne hôtesse ? Je me mettais alors à
réfléchir à la composition des repas, en pensant à ce qu’ils pourraient
aimer ou non. Dès lors, je n’utilisais plus du tout mes propres critères
sur ce que j’aimais manger et ce qui me suffisait en quantité : j’étais
piégée par les critères de goût et de quantité que je prêtais aux autres !
Je me trouvais donc « forcée » par ma propre idée (en pensant que cela
allait être bien pour les autres) de faire des choix qui ne me convenaient
pas.
J’avais mis le doigt le point essentiel : l’illusion totale de croire que
je connaissais les critères des autres alors que je n’en avais même pas
parlé avec eux. Personne ne me forçait à acheter ou à manger des choses
qui ne me convenaient pas, personne d’autre que moi ! Eillen contre Eillen
! En souhaitant faire plaisir, je ne me faisais pas plaisir à moi même,
même si c’était moi qui était en position de choisir. J’ai compris à cet
instant pourquoi je n’arrivais pas à obtenir ce que je voulais : manger
moins même tout en étant en compagnie d’amis. Qui d’autre que moi pouvais
savoir et choisir ce que je voulais ? A moi donc désormais d’utiliser mes
propres critères sur ce que je voulais pour moi même ! J’ai donc décidé de
changer mon comportement. Lorsque des amis seraient chez moi, les repas
seraient composés à partir de mes goûts culinaires et dans des quantités
qui me convenaient.
C’était le moment d’effectuer la seconde étape : l’expérimentation.
L’expérimentation
L’exploration m’avait permis d’obtenir suffisamment d’informations pour
voir ce qui m’arrivait. L’expérimentation me donna, elle, une nouvelle
compréhension du problème et je vis où je pouvais changer mes habitudes.
L’expérimentation consiste à passer à l’action et à changer dans le but de
désamorcer le problème. Pour expérimenter, on doit savoir quoi mais aussi
quand et comment changer.
Le « quand » changer, c’est bien sûr au moment même où le problème arrive,
au moment où je suis en train de manger plus. C’est à ce moment là que je
vais amener à ma conscience ce que j’ai découvert au cours de
l’exploration et choisir en étant au cœur du problème. En d’autres termes,
je vais avoir besoin de ce que nous appelons dans cette démarche « une
alarme » ou « un moment d’éveil » pour que je puisse me souvenir du moment
où expérimenter. Les moments d’alarme dans mon cas étaient ceux où je
pensais ainsi « ils vont aimer cela » ou « ce n’ est pas assez pour eux »
etc. Il y avait aussi les moments où je mangeais plus que je pouvais
utiliser comme alarme, au cas où je passerais à côté de ces pensées qui
m’amenaient à manger plus. Non seulement, j’avais besoin d’une alarme,
mais je devais aussi être claire sur le contenu de l’expérimentation.
Ensuite, je pouvais me rendre compte s’il m’était possible d’expérimenter
dans ces moments-là. Voici les éléments de mon expérimentation. Dans les
moments où je pouvais être alertée par ce type de phrases (allaient-ils
avoir assez à manger etc.), j’utiliserais alors mes propres critères
sur ce qui était bon pour moi afin de faire des choix différents de ceux
que j’aurais habituellement pris. Ensuite, je verrais si ce changement
était constructif. Voici trois exemples de ce qui s’est passé lorsque j’ai
pu revenir aux choix qui me convenaient :
a. Une amie était venue de l’étranger me rendre visite pendant une
semaine. Lorsque nous faisions des courses dans une boucherie charcuterie,
je m’étais dit : « tiens il y a des charcuteries intéressantes pour
elle ! », puis « Tiens, il y a des produits régionaux qui lui
feraient certainement plaisir ». Si j’avais continué ainsi j’aurai sans
doute acheté 4 ou 5 produits que je n’aurais pas choisi d’acheter si
j’avais été seule. Et tout cela sans dialoguer avec elle ! J’ai pu
reconnaître à temps ce type de phrases dans la boutique et j’ai alors
choisi ce qui me convenait, à moi. « Selon mes critères, je
ne voulais pas acheter ces produits ». C’était intéressant de constater à
quel point je m’étais sentie à l’aise avec ces choix, puisque c’étaient
les miens ! En même temps, j’avais pu aussi réaliser que mon amie était là
avec moi sur place et pouvait par elle même acheter ce qu’elle
voulait. Plus tard, j’ai eu envie de partager ce qui venait de se passer
avec cette amie. Elle m’a alors dit qu’elle souhaitait manger des repas
légers sans essayer les spécialités locales ou des charcuteries qu’elle
jugeait trop riches. Finalement, en croyant lui faire plaisir, je me
serais de toute façon fourvoyée.
b. Une autre fois, ma famille (comprenant de jeunes enfants) vint passer
quelques jours de vacances chez moi. J’avais commencé à penser à la
composition des repas pour faire une liste de courses. Là encore, je
m’étais surprise à penser : « des desserts, des pâtisseries feront plaisir
aux enfants, et ceci et cela etc.» Cette liste allait être composée de ce
que j’imaginais être bon pour les autres. Je m’en étais rendue compte et
j’avais pu revenir à mes propres choix en me disant qu’une fois les
enfants présents, ils pouvaient eux aussi dire ce dont ils avaient besoin
ou envie. En fait leur mère m’a dit par la suite qu’elle ne souhaitait pas
qu’ils aient des gâteaux en dessert mais plus des yaourts et des fruits,
eux même n’en n’ayant d’ailleurs pas réclamé.
c. Dernier exemple. Lorsque des amis étaient avec moi, je rencontrait à
nouveau l ’un de ces moments où je me disais « pour ce soir, je vais
faire une mousse au chocolat ». Je me disais que j’allais faire cela pour
eux… mais que j’allais sans aucun doute vouloir aussi en manger. Je ne fis
donc pas de dessert. Et comme j’avais aussi constaté que je buvais trop de
vin avec eux, je décidai de boire très peu à table, un verre ou deux mais
pas plus.
A travers ces expérimentations, je m’étais sentie beaucoup mieux en
choisissant ce qui fonctionnait mieux pour moi. J’avais découvert à quel
point je m’investissais beaucoup trop dans les courses, la composition et
la réalisation des repas lorsque j’étais préoccupée par ce que les autres
allaient manger et apprécier. Le dîner et tout ce qu ’il y avait autour me
prenaient trop de temps. Si jusqu’ici, j’avais voulu bien recevoir mes
invités, en fait je ne me sentais pas satisfaite d’être autant occupée à
cela : je me sentais frustrée car je n’avais plus assez de temps pour
faire ce qui me semblait plus important. En étant frustrée de ne pas avoir
effectué ce que je voulais dans la journée, je m’enfermais dans un cercle
vicieux : plus je passais du temps à faire ce que je ne voulais pas, moins
j’avais du temps à faire ce que je voulais. Moins je faisais ce que je
voulais, plus j’étais insatisfaite et je perdais le contact avec ce qui
était important pour moi et ce que je voulais vraiment faire. Au bout de
quelques jours à vivre ainsi, je m’enfonçais de plus en plus dans
l’insatisfaction. C’était un problème majeur, plus central que ces 3 kilos
en trop, même si les deux étaient liés étant donné que je mangeais plus
lorsque j’étais dans cet état d’insatisfaction : la quadrature du cercle !
En effectuant les expériences décrites ici, j’ai pu non seulement manger
ce qui me plaisait en quantité et en qualité et, en plus, avoir du temps
pour faire ce qui était important pour moi dans une journée lorsque des
invités étaient à la maison. Je suis devenue plus claire sur mes priorités
et j’ai obtenu des satisfactions physiques (je me sentais plus légère),
intellectuelles et pratiques. Cela a constitué ma principale
« victoire » : suivre ce que je voulais et ce qui me convenait.
D’une façon pratique voici également plusieurs petites idées qui se sont
révélées lors du processus d’observation et d’expérimentation :
Une des premières choses que j’ai pu remarquer était ma tendance à me
dire :« ah juste un petit bout pain en plus, un tout petit peu en plus
cela ne sera pas de trop ! » J’ai pu reconnaître cette tendance à vouloir
en rajouter un petit peu et encore un peu et un peu….. ce qui amenait au
« trop ». En repérant cela, j’ai pu choisir d’arrêter d’ajouter ces «
un petit peu » ! A table, j’observais ce même mécanisme de « Ah je vais me
resservir un peu plus ! » Là encore j’ai pu remarquer cela et choisir de
rester là où j’en étais sans rajouter quelque chose dans mon assiette. A
table, je me disais : « Ah c’était bon, donc je vais en prendre un peu
plus ». J’utilisais le critère du goût pour me resservir, au lieu de
sentir à quel moment j’avais assez mangé. En étant capable de reconnaître
ces moments-là, je pouvais alors choisir de ne pas rajouter des choses
dans mon assiette lorsque j’estimais avoir assez mangé. Parfois, je
mangeais plus que nécessaire et sans faim seulement pour finir le plat.
Avec cette idée que je ne pouvais pas gâcher cette bonne nourriture. Du
coup, au lieu de jeter un petit reste, je préférai trop manger ! Je me
disais aussi parfois « de toutes les façons je ne suis pas grosse du
tout et cela va comme je suis » ces idées là venaient bien entendu dans
les moments où je voulais me convaincre que cela « allait » de manger un
peu plus. Pour que je puisse prendre un peu plus sans me sentir coupable !
Maintenant, j’arrive à suivre mon appétit ! Finalement, en peu de temps,
après avoir été claire sur mes choix, je me suis sentie plus légère, et
j’ai commencé à perdre du poids. Je continue de choisir de m’arrêter de
manger et je reste claire sur cette décision de vouloir moins manger.
Un cours avec David Gorman pour retracer ce que j’avais appris et
continuer à aller plus loin dans le processus :
Pendant la séance, nous avons parcouru avec précision chaque point du
cercle vicieux. Ceci m’a été très utile pour mieux comprendre ce dilemme
de vouloir d’un côté perdre du poids et de l’autre continuer à manger. Ce
que j’avais pu voir c’était mon désir sincère de vouloir perdre du poids à
certains moments du cercle vicieux, (généralement les moments où je me
regardais dans le miroir ou les moments où je me sentais rassasiée), mais
ces moments-là, je ne les vivais pas lorsque j’étais en train de manger.
La séance me permit aussi de voir que les moments où j’étais claire sur ma
décision, correspondaient à des moments où j’avais des bonnes raisons de
vouloir maigrir :
– sensation d’être mal à l’aise après avoir mangé,
– mal dormir avec un repas trop riche et me réveiller avec une sensation
de lourdeur,
– me regarder dans le miroir (après des repas copieux) et la sensation d’être serrée dans
mes vêtements,
– voir en me pesant que j’avais pris du poids,
– trop de temps à préparer les repas,
– inquiétude sur ce que l’on va manger, trop investir sur ce sujet,
– ne pas réussir à effectuer mon travail puisque j’étais trop occupée à m’occuper des autres,
et les insatisfactions à cause de tous ces éléments réunis.
Dans ces moments-là, bien évidemment, je souhaitais perdre du poids car je
vivais directement les conséquences d’avoir trop mangé. Mais lorsque je
voyais les autres moments où je souhaitais manger plus, je n’avais pas ces
conséquences en tête. Ce qui était présent dans ces moments, c’était
l’expérience directe du goût et de la sensation qui s’en suivait. Ou bien
je n’avais pas en tête mon souhait de perdre du poids mais je pensais aux
autres.
En résumé, mon vécu et mes pensés aux moments où je souhaitais perdre du
poids étaient très différents de ce que j’avais à l’esprit au moment où je
souhaitais manger plus. Je voyais à quel point ces moments étaient
différents avec des buts opposés. En plus, d’un moment à l’autre, j’étais
à chaque fois convaincue, c’est à dire que je passais d’un état où j’étais
convaincue de vouloir perdre du poids à un état où je voulais réellement
manger plus. Au moment où je souhaitais manger, je n’était pas confrontée
aux conséquences énoncées plus haut et du coup, la satisfaction du goût
l’emportait.
Le problème était relié au fait que ces deux moments étaient séparés dans
le temps. Même si j’étais sûre de vouloir perdre du poids lorsque je
vivais une des conséquences, cela ne m’étais pas utile car ce n’était plus
présent au moment où je souhaitais manger. Le moment où je mangeais était
le plus important car c’est à ce moment là que je prenais du poids. C’est
à ce moment que j’avais besoin d’avoir à l’esprit les conséquences qui
étaient reliés au fait de trop manger. Et dans mon cercle vicieux, c’était
dans ces moments-là que j’étais la moins consciente de ces conséquences et
que toute mon attention était occupée par la bonne sensation du goût avec
le désir d’avoir encore plus cette bonne sensation. J’étais surprise de
voir à quel point j’avais été esclave de mes sensations !
C’est un élément commun à toutes les problématiques de dépendance comme
vouloir arrêter de fumer, de manger etc. Nous vivons les mauvaises
conséquences et on veut sincèrement changer, mais seulement aux moments où
l’on est en train de subir ces conséquences. Au moment suivant, on n’est
plus conscient de ces conséquences, en tout cas pas en tant qu’expérience
vécue mais seulement en tant qu’idée. A la place de cela, on est en face
du désir de satisfaire le goût, exactement ce que l’on ne voulait pas
faire avant, et on y va ! Du coup on est emporté par ce désir et ensuite
on se sent coupable de ne pas avoir réussi à suivre nos résolutions.
Parfois la volonté fonctionne mais pas souvent parce que cela équivaut à
se battre contre soi-même et la plupart des gens échouent dans cette
bataille.
En faisant les expérimentations décrites au dessus, non seulement cela a
fonctionné mais en plus j’ai éprouvé un sentiment de liberté : je voyais
les choses plus clairement et j’étais capable de choisir, ce qui était
facile à faire parce que je savais plus ce que je voulais et je pouvais
choisir.
Lors de la séance, David m’a aidé à voir la situation en tant que choix.
Faire un choix, c’est comme avoir une ancienne balance avec deux plateaux
suspendus de chaque côté. Une fois que l’on a mis tous les éléments sur
chaque plateau, c’est celui qui sera le plus plein qui indiquera le choix
à prendre.
Avant, c’était seulement lorsque je vivais les conséquences, je
choisissais alors de perdre du poids. Le problème était qu’aux moments de
manger je choisissais autre chose attirée par les sensations. Dans mon
ancienne façon de penser, je mettais sur un plateau l’expérience du bon
goût de la nourriture que je mangeais et sur l’autre plateau, je mettais
seulement le fait de ne pas avoir ce bon goût. En face de ce type de
choix, c’était facile de voir pourquoi je choisissais d’avoir le bon goût
plutôt que de ne pas l’avoir. Mais comme nous l’avons vu ensemble avec
David, ce n’est pas une vision très juste du contenu des deux plateaux. Le
point de vue que j’avais alors était très limité, seulement attaché à la
sensation du moment. Au moment où j’étais claire, ce qui était dans un
plateau n’était pas seulement la bonne sensation de ce que j’allais
manger, c’était aussi toutes les conséquences : me sentir lourde, prendre
du poids, serrée dans mes vêtements, trop de temps à cuisiner, mon travail
et mes activités mises de côté, sentiment d’insatisfaction etc.
Inévitablement, ces conséquences pesaient lourd et étaient dans le même
plateau où se trouvait ce bon goût puisque l’un n’allait pas sans l’autre.
Alors bien-sûr le plateau n’avait plus du tout le même contenu qu’avant où
je n’y avait mis seulement la satisfaction du goût.
Ce qui a tout fait basculé pour moi c’est lorsque j’ai vu clairement ce
qui avait dans l’autre plateau. Bien entendu, il y avait « le fait de ne
pas avoir la bonne sensation du goût », mais maintenant, il y avait aussi
le fait de me sentir légère, d’être bien dans mes vêtements, perdre du
poids comme ce que je voulais, avoir plus de temps pour mon travail et mes
activités, être satisfaite, etc. Ce n’était pas difficile de choisir entre
ces deux plateaux ! Il n’y a pas besoin de lutte contre moi-même pour
choisir. La seule chose à faire était d’avoir une perception juste du
« vrai choix » : là où avant j’avais eu une vision très limitée,
dominée par les sensations. Pour avoir cette clarté, j’avais besoin de
« m’éveiller » suffisamment au moment de manger (et même dés que je
préparais le repas ou cuisinais trop) et d’amener toutes ces conséquences
à ce moment là pour faire contre poids avec ce besoin de satisfaction du
goût. Quelque part, c’était la même expérience que ce que j’avais fait
avant, mais j’étais en plus avec un nouvel élément de clarté pour
continuer mes expérimentations face aux plaisirs de la sensations et aux
plaisirs d’avoir des repas à plusieurs.
Voici en quoi consistait l’expérimentation : capter ce type de moment où
je souhaitais manger plus (et c’était maintenant facile à capter), et
ensuite placer dans le plateau de la balance toutes les conséquences
réelles qui m’arrivaient lorsque je mangeais trop. En d’autre termes,
amener toutes les raisons qui faisaient que je voulais perdre du poids au
moment même où j’allais manger plus.
Lorsque j’ai commencé cette expérimentation, j’ai pu voir que je l’avais
déjà fait avant, c’est à dire que je m’éveillais et j’étais consciente
d’une des conséquences de trop manger. Mais une seule conséquence n’était
pas assez pour m’arrêter de manger. Et maintenant, je savais pourquoi. Dès
que j’ amenais à ma conscience une de ces raisons, je trouvais aussi des
raisons pour me convaincre que cela était OK de continuer à manger. Des
raisons du type : « c’est juste un peu plus et cela ne va pas me
faire grossir », ou « je termine juste cela comme cela ne va pas être
jeté. » et ainsi de suite. Je connaissais déjà toutes les conséquences
avant mais d’une façon isolée, donc à chaque fois une seule ne faisait pas
le poids pour arrêter le désir du goût. Mais maintenant, j’étais capable
de regrouper toutes les conséquences dans un plateau lorsque je voulais
continuer à manger, et le choix alors était évident et simple. En réalité,
je n’avais même plus besoin de choisir car j’avais alors une perception de
la situation complètement différente. A partir de ces nouvelles
perceptions, c’ était évident de suivre ce que je voulais. Plus je faisais
ces expérimentations, plus cela fonctionnait pour moi et plus je me
rendais compte de toutes les idées que j’avais vis à vis de la nourriture
qui me maintenaient piégée dans un cercle vicieux.
Cela est un des bénéfices des étapes d’explorations et d’expérimentations
de LearningMethods, une fois que l’on a appris à effectuer ces étapes, on
devient plus habile dans ce processus qui continue à révéler des nouvelles
choses et des nouveaux aspects encore et encore.
J’ai pu aussi observer que, parfois, je mangeais quelque chose sans avoir
faim. Mais je choisissais de manger en me disant que plus tard j’allais
sûrement avoir faim et n’aurais pas la possibilité de manger. J’ai réalisé
que j’avais peur du moment à venir, je vais avoir faim, ne pas être bien,
même si je n’avais pas vraiment connu d’expérience comme celle-ci, j’en
avais peur ! A cause de la peur d’un moment futur, je choisissais quelque
chose qui n’avait pas de sens dans le moment présent ! Une fois que j’ai
vu que cela n’avait pas de sens, que c ’était une peur non fondée, je
choisis alors de manger seulement quand j’en ressentais le besoin et
d’avoir un petit quelque chose à manger sur moi au cas où ! Je n’ai pas eu
souvent besoin de ce petit en cas !
Le dernier point (en tous cas pour l’instant) a été de voir ce qui se
passait dans les moments où j’avais envie de manger quelque chose non pas
par faim mais pour le plaisir du goût. Ou plus précisément, le souvenir de
ce bon goût. C’est le souvenir passé qui revient et qui me motive lorsque
je suis face d’un aliment que je connais déjà. Ceci montrait encore à quel
point la sensation de goût dominait avec le désir de satisfaction du goût
dont j’ai parlé plus haut. Cependant, ce moment du goût est très court,
combien de temps faut-il pour manger un biscuit ? J’ai pu remarquer que
tout était dans cette idée de satisfaction de goût. Bien que souvent en
mangeant quelque chose qui me faisait plaisir, à peine l’aliment mâché, je
pensais à autre chose. En plus parfois l’idée de ce que va être le goût
n’est pas juste, le souvenir d’un très bon plat ou d’un très bon gâteau ne
correspond pas toujours au plat ou au gâteau que j’ai en face de moi. J’ai
souvent été déçue par un plat ou un gâteau en m’attendant à quelque chose
de meilleur.
Ces réalisations m’ont permis de changer ma relation avec tous ces bons,
pas si bons, et si courts moments de sensation de goût ! J’ai bien réalisé
à quel point ce moment idéalisé était court et pas toujours aussi bon que
prévu. Maintenant je ne suis plus piégée par ce désir de sensation sans
choix. Dès que je suis consciente de ce que je suis en train de vivre (et
de penser), une fois de plus, apparaît la notion de choix et pas seulement
la satisfaction d’une envie sans choix possible. Dès qu’il y a choix,
alors le fait de refuser de suivre ce plaisir du goût est simple. C’est un
« non » cela n’en vaut pas la peine.
Le « non » est clair et catégorique, je n’ai pas eu besoin de m’en
convaincre. En pratique j’ai pu utiliser toutes ces réalisations et
choisir ce qui est le mieux pour moi. Au fil du temps, ce « non » dont
j’ai parlé au dessus s’est transformé. En rencontrant ces moments de
choix, en fait le « non » a évolué en un «oui », oui au fait d’être plus
légère, d’avoir plus de temps, de suivre mes propre critères de quantité
et de qualité, d’être satisfaite, à l’aise dans mes vêtements etc. Et
bien-sûr « oui » au fait d’être capable de changer. Les plateaux de la
balance ont changé !
Traverser ce processus m’a beaucoup apporté, je me sens plus claire et
forte. Car ces moments de choix sont exactement les moments ou je dis «
oui » à ce que je veux. Et d ’ailleurs ces moments sont beaucoup moins
fréquents qu’au début.
Je me sens libérée de cet esclavage de mes sensations.
Maintenant que j’ai perdu ces kilos, je peux affirmer que mon état de
conscience lorsque je mange a beaucoup changé. Je suis plus à l’écoute de
ce dont j’ai besoin de manger, l ’information m’arrive clairement. Et je
suis présente à ce que je mange ce qui est l’opposé de l’automatisme que
j’ai pu connaître. De cette nouvelle présence, résulte un nouveau plaisir
à m’alimenter tant au niveau de la qualité que de la quantité de ce que je
mange.
En fait bien que je mange moins, j’ai plus de plaisir à manger.
~~~~~~
il y a
une petite biographie de l'auteur ci-dessous.
Read a full translation in English
Au Sujet de l'Auteur
Eillen
Sellam
a suivit une formation comme professeur de la Méthode Alexander en France et aux États-Unis. Après avoir
enseigné cette Méthode, elle a connu LearningMethods et s’y est formée. Au fil des années, son travail
s’est enrichi par sa rencontre avec de nombreux enseignants et son expérience dans des activités
artistiques, la danse, le chant et les arts martiaux.
Elle a enseigné pendant deux ans aux chanteurs de l'école de Formation Lyrique de l'Opéra
Bastille à Paris. Depuis décembre 1996, elle a étudié et développé sa capacité à enseigner ce
nouveau travail. Elle enseigne régulièrement à Paris, dans le sud de la France à le Conservatoire de Théâtre à Avignon, et lors des stages de LearningMethods avec David Gorman dans de nombreux pays d’Europe,
au Canada et aux USA.
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